Si une forte dualité entre le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) et ses alliés, d’une part, et la coalition Benno Bokk Yaakar (BBY), d’autre part, avait marqué les dernières élections législatives, une recomposition  politique  à Saint-Louis n’est pas à exclure au sortir de la prochaine présidentielle. Une perspective naturellement souhaitée par certains et redoutée par d’autres. À quelques mois de cette échéance qualifiée de « cruciale » par nombre d’analystes, ça bouge énormément sur le landerneau politique local où tous les prétextes sont mis à contribution pour capter de potentiels électeurs.

Au fil des déclarations de candidature pour la présidentielle de février prochain, le marché des alliances et autres ententes électorales, entre en ébullition. Saint-Louis, ville très politique n’échappe pas à cette ardeur frénétique qui est montée d’un cran depuis quelques semaines. Pour la coalition au pouvoir depuis 2012, le point de mire c’est la réélection au premier tour du Président Macky Sall. Pour ce faire, Benno Bokk Yaakar(BBY) entend bien vendre le bilan de son candidat. L’annonce en a été faite récemment par son coordonnateur départemental et, par ailleurs, maire de Saint-Louis, en marge de la rencontre préparatoire de la nuit de l’émergence prévue le 28 juillet prochain. Lors de cette rencontre, il a déclaré à qui veut l’entendre que « le pouvoir est en face d’une opposition de minorité, une opposition de la rue ». « Nous allons présenter les nombreuses réalisations de notre candidat, qui  plaident largement en faveur de sa réélection », a-t-il ajouté. En tous cas, triomphalisme béat ou assurance tout risque, la belle sérénité affichée par Mansour Faye, seul face à lui-même, cache mal de fortes dissensions internes -latentes ou apparentes- qui minent à petit feu la coalition au pouvoir. Aujourd’hui, on est loin, et même très loin  du front uni qui avait permis de remporter les Législatives de 2017, avec un plus de  44% des voix. Pour rappel, c’est dans un bel élan d’unité affichée que les responsables locaux issus de partis politiques et de mouvements de soutien s’étaient investis pour gagner confortablement face à ‘Wattu Sénégal ’, le PUR et  ‘ Manko Taxaawu Sénégal’, ses principaux challengers.

Benno dans l’œil du cyclone

Depuis lors, c’est un secret de polichinelle : BBY évolue inexorablement dans un sens non souhaité par les militants de base plutôt préoccupés par la réélection de leur porte-étendard. En effet, des contradictions, par moment très heurtées, opposent régulièrement le coordonnateur  local Mansour Faye et des  responsables qui ne cachent plus leur ambition de le supplanter, pour certains, ou d’exiger de la considération de sa part, pour d’autres. On se rappelle la fameuse passe d’armes, par voie de presse, entre Mary Teuw Niane et Mansour Faye, à propos du port de signes distinctifs, et du refoulement à l’aéroport de Mme Awa Ndiaye, à l’occasion de la visite du Président Macron à Saint-Louis. En rangs divisés, BBY n’avait pas d’ailleurs réussi  à  mobiliser largement les populations de la commune de Saint-Louis et du département homonyme. D’aucuns avaient vite fait de pointer de doigt une absence ou insuffisance d’implication, voire une implication plus que sélective, dans les préparatifs et les modalités de l’accueil pour expliquer cette faible participation des populations à l’accueil du président français et de son homologue sénégalais. Mais le mal semble plus profond, confie un observateur très averti de la scène politique locale. A l’en croire, nombre de relations entre Mansour Faye et des ténors et principaux soutiens de BBY se sont considérablement dégradées. La Présidente de la CDP Awa Ndiaye, le Ministre de l’Enseignement Supérieur Mary Teuw Ndiaye,  le Président du ‘Cercle des Amis de Macky Sall’ Baila Wane et le Président du Mouvement Action Sénégal ( MAS), Yérim Thioube, pour ne citer que ceux-là, figurent en bonne place parmi ces responsables qui ont été ‘déconnectés’.

 D’autres comme Assane Soumaré (DG de la Caisse de sécurité sociale) ou Youssou Diallo (PCA de la Sonacos) jouent leur survie individuelle de même que les têtes de proue du ‘Cercle des Amis de Feu Ousmane Masseck Ndiaye’, d’abord courtisés, puis compromis aux yeux de leurs militants, enfin, abandonnés depuis à leur sort. La conséquence : une démobilisation politique sans précédent de nombre de responsables dont l’engagement est essentiel pour la conquête électorale de la commune de Saint-Louis et de son département homonyme. En clair, aujourd’hui le centre de BBY, c’est  seulement l’APR et encore une fraction de l’APR, celle de la coterie  formée seulement  autour  de Mansour Faye. Entouré de fidèles lieutenants, le coordonnateur départemental de la coalition au pouvoir,  qui travaille pour un deuxième mandat à la mairie de Saint-Louis, déploie depuis plusieurs mois une vaste entreprise de ‘minage ‘et de ‘débauchage’ des bases jusqu’ici connues favorables aux responsables cités plus haut. Pour quels résultats ? Allergique aux différences et au choc des ambitions, ce dernier  se tromperait-il  d’échéance électorale ? Notre source est formelle : « c’est une stratégie mûrie qui consiste à ‘liquider’ les têtes, pour ensuite récupérer des militants préjugés intéressés, à tort le plus souvent ». Mais celle-ci peut se révéler contreproductive. « En procédant de la sorte, Mansour Faye et ses proches n’élargissent pas les bases de BBY. Pire, ils prennent le risque de provoquer une  véritable césure entre les militants et sympathisants de Macky Sall et le candidat à sa propre succession », commente l’analyste politique. « Si les conditions d’un regroupement des grosses pointures de BBY et alliés autour du Président Sall ne sont pas rapidement créées pour remobiliser les troupes et commencer à réfléchir sur les stratégies à mettre en œuvre pour favoriser la réélection du président, qui passe nécessairement par la mobilisation de l’électorat, une désillusion n’est pas à exclure », prophétise t-il. A l’évidence, la clé des élections gagnées, c’est la mobilisation de tous les dynamismes, autour de l’essentiel, et au-delà des petits calculs partisans qui conduisent inéluctablement à l’échec, comme l’apprennent les expériences passées du PS et du PDS. Mais, l’APR semble n’avoir pas encore tiré les enseignements utiles.

Le PDS, otage de ses propres turpitudes

Toutefois, BBY/Saint-Louis n’a pas l’exclusivité de la division. Le PDS, qui attend toujours  de connaître son candidat et ses alliés pour la présidentielle de 2019, est aussi traversé par de profondes divergences. Outre l’incertitude qui plane sur la participation de leur candidat déclaré pour la prochaine élection présidentielle, les Bleus de Saint-Louis n’arrivent pas encore à mettre de l’ordre dans leurs troupes. Ameth Fall Baraya, le  président de la Fédération départementale n’est plus en odeur de sainteté auprès  de nombre de militants et responsables de ce parti. Ces derniers lui demandent de se déterminer. Soupçonné d’accointance avec le régime en place depuis sa pleine  implication dans l’accueil du président français et sa proximité, depuis lors, avec Mansour Faye, Baraya joue au clair-obscur. L’homme d’affaires saint-louisien, qui se découvre -peut-être des ambitions nationales-  s’apprêterait même à mettre en place un mouvement dénommé Nouvelle force économique du Sénégal destiné à ‘’impulser une dynamique’’ à l’économie du pays. Un mouvement de soutien à l’action du Président Sall ? Attendons de voir. En tout cas, sa venue supposée  dans BBY se fait encore attendre. L’intéressé redoute-t-il de ne pas être suivi par ses troupes, ou encore, redoute-t-il, s’il rejoignait les rangs de BBY, de perdre non seulement le soutien de sa base, mais de courir le risque d’être compromis, puis abandonné à son sort, comme l’ont été certains membres du « Cercle des Amis de Feu Ousmane Masseck Ndiaye »? Une situation d’expectative qui ne devrait pas perdurer selon plusieurs sources qui annoncent que le temps joue contre Baraya. « Sous la forte poussée des militants de base, il est dos au mur et devra forcément faire son choix », expliquent ces mêmes sources. Un choix qui pencherait fortement vers une adhésion à Benno Bokk Yaakar ? Tout porte à le croire  et le récent réquisitoire en faveur  d’un non-lieu très opportun dans  une affaire de supposées malversations financières au COSEC où il était mis en cause, conforte, à bien des égards, cette thèse. L’issue heureuse de ces démêlés avec la justice expliquerait-elle son attitude plus que conciliante envers le pouvoir en place ?  Toutefois, ce choix risque de priver Baraya  de sa base sociologique de la Langue de Barbarie. Dans cette partie de la Commune de Saint-Louis, nombre d’habitants  ressassent toujours leurs démêlés anciens et récents avec le Maire de Saint-Louis Mansour Faye et nombre de pêcheurs demeurent fragilisés par le contenu des accords de pêche passés avec la Mauritanie.

Rewmi  se redynamise

En perte de vitesse depuis quelques années, Rewmi de l’ancien Premier Ministre Idrissa Seck entend-il s’engouffrer dans les brèches ouvertes par BBY et le PDS ? En tout cas, après une longue période d’hibernation, les Rewmistes s’organisent dans le département de Saint-Louis. Mieux, toutes les instances du parti arrivent maintenant à se réunir régulièrement. Parmi les raisons invoquées pour expliquer la léthargie dans laquelle était plongé ce parti, il y’a la faible structuration du parti, le déficit d’animation, le manque de visibilité et la relative déconnexion entre la base et les instances régulières dirigeantes. Aujourd’hui, Rewmi respire. Sous la houlette des coordinations communale et départementale, un vaste programme d’animation, d’information et de sensibilisation à base est entrain d’être mis en œuvre dans les quartiers en vue de redynamiser cette formation politique. Dans ce sillage, une assemblée générale qui va regrouper l’ensemble des démembrements du parti et des mouvements de soutien est prévue dans les prochains jours. Cette rencontre sera présidée par Diéthié Fall, le Vice-président du Rewmi, qui aura à ses côtés Baye Kamara, le Secrétaire National chargé des Finances et des Questions économiques de Rewmi, et par ailleurs responsable moral de l’Association ‘LSAS’. « Depuis le mois d’avril dernier, nous avons mis en place un comité de réflexion et d’initiatives qui  a travaillé sur un plan d’actions stratégique. Sur la base d’une cartographie et d’un découpage du département  en zones d’action, les militants sont à pied d’œuvre dans l’information et la sensibilisation à la base », renseigne  ce responsable au niveau de la coordination départementale de Saint-Louis, avant de poursuivre que les ‘différents suivis et remontées du terrain indiquent une forte adhésion au programme de Rewmi et de son candidat pour la présidentielle de 2019’.

Rewmi