Le Sénégal, plus particulièrement la station balnéaire de
Saly située sur la Petite Côte, à 60 kilomètres au sud de Dakar, joue un rôle
spécifique dans la structuration des réseaux de traite qui alimentent le marché
européen de la prostitution, selon un rapport de l’Organisation des Nations
Unies contre la drogue et le crime (Onudc) parcouru par Seneweb. Les jeunes
filles exploitées à Saly sont souvent mineures, mais elles ont toute tendance à
majorer leur âge, conformément aux instructions données par les trafiquants qui
les séquestrent et les obligent à se prostituer.
Dix-sept (17) nationalités
répertoriées
Les prostituées
sont de nationalités sénégalaise et étrangère. Les plus nombreuses sont
burkinabées, camerounaises, gambiennes, ghanéennes, ivoiriennes, maliennes,
nigérianes, sierra-léonaises, parfois thaïlandaises ou chinoises. Toutes ont
transité par d’autres lieux d’exploitation sexuelle, principalement des pôles touristiques
situés en Gambie ou en Guinée-Bissau, la ville de Ziguinchor en Casamance,
région encore fragilisée par un conflit armé de plus de trente ans, mais aussi
des bassins miniers de bauxite en Guinée et des sites d’orpaillage du Sénégal
oriental, notamment à Sabodala. Certaines effectuent une étape préliminaire au
Bénin. À Cotonou, les personnes qui les ont recrutées rencontrent notamment des
femmes de Kédougou, ville du bassin aurifère du Sénégal oriental, qui viennent
négocier leur « achat ».
Pour s’affranchir,
la prostituée doit payer près de 2 millions
À ce moment-là,
la jeune fille vendue ne connaît pas les termes de la négociation ; elle
découvre la réalité seulement à son arrivée sur le site d’orpaillage. Ses
pièces d’identité lui sont confisquées. Le prix du rachat d’une hypothétique
liberté est fixé par les « maîtres » ou les « patrons » à 3 000
euros environ, soit 1 970 841,78 Fcfa. Pour s’affranchir de cette
« dette », les jeunes filles se prostituent et font des versements
quotidiens, enregistrés dans des carnets par les « gestionnaires ». Ce
fut le cas de Mercy, une jeune Nigériane, à qui un trafiquant avait promis une
vie meilleure et des études supérieures en Angleterre : « Je suis venue il
y a deux ans. J’ai été amenée par un homme qui m’a forcée à coucher avec lui
d’abord, puis à me prostituer pour racheter ma liberté ».
Saly :
Les prostituées parrainées par les « madam’s »
Les réseaux de
traite implantés à Saly reposent sur une organisation très hiérarchisée. Ils
réunissent cinq à dix jeunes filles, étrangères ou sénégalaises ; elles sont
exploitées dans les rues et les bars. Parmi elles, Fatu, jeune Sierra-Léonaise,
a été volée sur le chemin de l’école, puis conduite dans un hôtel avant d’être
vendue par un homme qu’elle n’a jamais revu depuis qu’elle est arrivée à Saly.
Son souhait le plus cher est de retrouver les siens : « Je veux rentrer ;
je n’ai jamais exercé le métier de prostituée auparavant », dit-elle. Ces
jeunes filles sont « encadrées » par des « tantes » plus âgées
: elles-mêmes victimes de traite, elles sont utilisées par les trafiquants pour
recruter de nouvelles victimes (5). Ces « madam’s » espèrent ainsi
solder leur « dette » et gèrent les jeunes filles pour le compte des
« tuteurs » et des « fiancés » qui sont un à deux par réseau,
le plus souvent nigérians ou italiens.
Une
position stratégique en Afrique
Bien que les
réseaux de traite se déploient principalement à l’échelle régionale en Afrique
de l’Ouest (6), d’importantes routes de trafic international se structurent
autour de pôles touristiques comme Saly où les jeunes victimes sont non
seulement exploitées, mais « initiées » aux pratiques du marché
européen de la prostitution. Entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe, le
Sénégal occupe désormais une position stratégique sur les routes de la traite
des jeunes filles à des fins d’exploitation sexuelle. Selon toujours le
rapport, la traite des êtres humains en Afrique est en augmentation, en 2016,
70 % des personnes qui en étaient victimes étaient des femmes ou des jeunes
filles. En Afrique subsaharienne, le travail forcé des enfants reste la forme
d’exploitation la plus fréquente. Mais, 31 % des victimes de traite dans cette
région le sont à des fins d’exploitation sexuelle, en tant qu’esclaves en
situation de conflit armé ou prostituées dans les centres urbains et les zones
touristiques.
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