Dans les archives du centre de recherches et de documentation du Sénégal (Crds), on nous renseigne que la ville amphibie de Saint-Louis, fief de Mame Coumba Bang (Génie tutélaire des eaux) conserve de très nombreuses maisons, typiques de l’époque coloniale, avec leur façade de chaux, leur double toiture en tuile, leur balcon en bois et leur balustrade en fer forgé.
En effet, au quartier nord de l’île, au sud de
l’avenue Jean Mermoz, la grande mosquée tendue de beige intrique, continue
d’attirer des milliers de touristes.
À l’occasion du festival international de jazz, du Maggal des deux rakkas de Serigne Touba, de la sortie du Fanal (en fin décembre de chaque année, manifestation organisée par Mme Marie Madeleine Diallo), les visiteurs les plus curieux, les festivaliers et les pèlerins, ont toujours le réflexe de réaménager leur programme, leur calendrier, pour aller découvrir cette grande mosquée atypique, mystique, mythique et mystérieuse. Un lieu de culte musulman, remarquable par ses deux minarets carrés au-dessus d’un toit de tuiles à double pente.
Cette grande mosquée qui trône
imperturbable à la Pointe Nord de l’île de Ndar, a une force de caractère
imposante. Elle a cette curiosité de posséder une cloche dans le minaret de
gauche. Autrefois reliée à l’horloge de la mosquée, cette cloche, encore
visible de nos jours, selon certains patriarches de cette vieille cité,
carillonnait pour annoncer les heures de prière.
Ce fait pour le moins insolite, s’explique selon la
tradition orale, par l’opposition farouche de la communauté des mulâtres de la
ville à l’édification de la mosquée. Elle ne cédera qu’après avoir posé deux
conditions : la construction de la mosquée en dehors de la ville et
l’installation d’une cloche pour annoncer les heures de prières. Ce, pour
bannir les appels du muezzin.
De nombreux autres notables de l’ancienne capitale
de l’Afrique occidentale française (Aof), soutiennent avec la dernière énergie
que cette version est totalement erronée. D’après cette deuxième version, cette cloche
ne carillonnait pas pour annoncer les heures de prière. Elle sonnait plutôt
pour donner l’heure. Pour la prière, le muezzin appelait les fidèles par le
« nodd » (appel à la prière du muezzin). Il est vrai que du temps de
la colonisation, les manifestations étaient interdites entre 12 h et 14 h,
mais l’appel à la prière se faisait toujours via le muezzin. »
La canne d’El Hadj Oumar Foutiyou Tall
Longue
de 20 m sur 20, la construction ne fut pas de tout repos. Bien que Saint-Louis
fût toujours une ville à majorité musulmane, l’édification d’une mosquée, acte
jugé incorrect par les notabilités créoles, souleva beaucoup de remous dans
l’île. Ces remous sous forme de mouvements d’humeur épousant les contours d’une
opposition systématique, auraient été d’ailleurs, à l’origine de l’implantation
de la mosquée à l’écart de la ville, dans une zone qui était marécageuse. Une
thèse qui n’est cependant pas conforme à celle véhiculée par la tradition
orale. Selon celle-ci, le choix du site avait posé problème aux musulmans. Les
uns souhaitaient que la
mosquée
soit construite sur l’emplacement de l’église, les autres sur celui du bâtiment
de l’artillerie.
Les
sages religieux décidèrent ainsi de s’en remettre à El Hadj Omar Foutiyou Tall
(érudit de la confrérie tidjaniya) de passage dans la ville. Après une retraite
spirituelle, ce dernier les mena à la pointe Nord de l’île, au lieu qui abrite
aujourd’hui la grande mosquée. Par la suite, le saint homme leur indiqua la
Qibla (la Kaaba). Avec sa canne, El Hadj Omar frappa dans l’air et toute
l’assistance entendit des coups résonner, signe qui leur indiquait la direction
de la Kaaba. Il aurait par là même, indiqué l’endroit où le puits pour les
ablutions devait être creusé. Puits dont les vertus thérapeutiques sont
célébrées et qui est encore aujourd’hui très couru.
Une
mosquée, mille susceptibilités
Cette
version a été battue en brèche par les historiens. Ceux-ci estiment que le
passage d’El Hadj Omar Foutiyou Tall remonte à 1855, soit 17 ans après le choix
de l’emplacement de la mosquée dont les travaux de construction ont débuté en
1838. Mise en chantier en 1838, achevée après plusieurs interruptions en 1847,
grâce au soutien financier de l’administration, elle était implantée à l’écart
de la ville en un lieu vide de toute habitation, atténuant les
susceptibilités. Au fil du temps, la grande mosquée a fait l’objet de nombreux
agrandissements comme celui réalisé en 1987. Il suffit de faire un tour à la
Pointe Nord de l’île pour constater qu’aujourd’hui, la grande mosquée, objet de
toutes les attentions, a fait peau neuve.Sa façade principale côté sud présente
une colonnade aux arcs brisés. Le haut des murs est orné de cimaises et de
merlons arrondis sur les tours surmontés de coupoles. De l’extérieur, l’édifice
présente un ensemble homogène, en harmonie avec les autres bâtisses de l’avenue
Jean Mermoz que sont les consulats de France et de la Belgique, le centre
culturel français, la caserne des sapeurs-pompiers. Une singulière curiosité
qui vaut le détour.