Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Si certains opérateurs économiques et autres hommes d’affaires ne cessent d’enregistrer tous les jours un manque à gagner, dû à l’Etat-d’urgence, au Couvre-feu et au confinement partiel, décrétés par le chef de l’Etat pour protéger le peuple sénégalais contre la propagation de l’épidémie du Coronavirus, d’autres chefs de ménages se frottent les mains pour espérer réaliser quotidiennement de bons chiffres d’affaires avant 17 heures.
Il suffit tout simplement de faire un tour au grand marché Tendjiguène du faubourg de Sor, pour constater aisément que les vendeuses de poisson, de tanbadiang, de poisson fumé (Kéthiakh), de salé-séché, de guèdj (poisson sec), de yèèt (cymbium) et autres produits halieutiques transformés, ont compris qu’il n’est plus question de traîner les pieds, de se rouler les pouces, de perdre beaucoup de temps à converser.
Ces braves femmes domiciliées à Guet-Ndar, Santhiaba, Gokhou-Mbathie, à l’hydrobase, dans d’autres localités de la Langue de Barbarie, du Gandiolais, du Toubé, se lèvent à 6 heures du matin, pour aller se ravitailler en poissons au quai de débarquement de la sardinelle (yaa-booye) situé à Diamalaye, à la sortie de Guet-Ndar, en allant vers les cimetières de Thième et de Thiaka Ndiaye.
Ensuite, c’est la course contre la montre, pour rallier rapidement le marché de Sor, vers 7 heures du matin, en vue de proposer leurs marchandises aux premiers clients des premières heures de la matinée.
De 7 à 9 heures, elles ont juste le temps de brader à vil prix leurs produits et, sans perdre du temps, elles retournent aussitôt à Diamalaye pour chercher encore du poisson.
Les jeunes vendeuses que nous avons interrogées hier, vers 16 heures sur la place Abdoulaye Wade, transformée actuellement en Poissonnerie, avec l’autorisation des autorités municipales, étaient détendues et joviales.
Visiblement contentes, elles éprouvaient du plaisir à nous exhiber ces nombreux billets de banque qu’elles ont pu récolter après avoir fait la navette, à quatre reprises, entre le marché de Sor et Diamalaye.
Ainsi, Penda Gaye Sarr et Ndeye Mariguy Sène, âgées de 23 ans et domiciliées à Dack et à Pondokholé, nous ont fait comprendre qu’elles font partie de ces nombreuses vendeuses de poisson qui ont bien compris que le temps qui leur est imparti pour exercer leurs activités commerciales, ne leur permet plus de s’amuser, de se tirailler, de danser, de traiter des questions oiseuses.
Nos interlocutrices sont en train de formuler d’intenses prières pour que ce confinement partiel soit prolongé. Car, avant 17 heures, non seulement, elles gagnent plus d’argent que d’habitude, mais elles ont surtout le temps de se reposer à partir de 17 heures et de vivre en famille.
Avant le Couvre-feu, elles faisaient le pied de grue à la Poissonnerie jusqu’à 22 heures, sans voir le moindre client. Et dès qu’elles rentrent au bercail, elles font face à des scènes de ménage provoquées souvent par des époux hargneux et belliqueux, qui refusent catégoriquement de faire preuve de tolérance envers ces braves femmes qui ne cherchent qu’à joindre les deux bouts, qu’à subvenir aux besoins de leurs progénitures.
Actuellement, elles ont bien compris que le temps est devenu très précieux et qu’il doit être impérativement utilisé rationnellement, « l’essentiel, c’est de se coucher très tôt et de se réveiller le matin de très bonne heure, de presser le pas, de mettre les bouchées doubles, d’accélérer le rythme de travail, pour gagner beaucoup d’argent dans la matinée ».
Certaines ménagères qui viennent régulièrement chercher de quoi préparer le fameux plat de Thiébou-Dieune (Riz au poisson) ne les ont pas démenties.
Elles ont bien confirmé l’information selon laquelle ces jeunes vendeuses de poisson ne perdent plus du temps à se livrer à d’âpres marchandages, « elles écoulent rapidement le poisson à des prix défiant toute concurrence et elles reviennent quelques heures après, sur la place Abdoulaye Wade, avec du produit plus frais, cela fait notre affaire, car, le poisson ne coûte plus cher et on en trouve à foison dans cette Poissonnerie ».
D’autres « complices », sont confortablement assises à côté de ces vendeuses de poisson pour exercer un autre métier. Celui des écailleuses de poisson, considéré aujourd’hui comme un nouveau créneau du développement, très porteur. Il convient de rappeler que ces écailleuses réalisent des chiffres d’affaires exorbitants en fin de journée.
Elles deviennent de plus en plus riches pour la bonne et simple raison qu’elles ne font face à aucune charge liée à leur production. Elles n’ont besoin ni de matière première, ni de capitaux pour démarrer leurs activités. Elles disposent uniquement d’un petit matériel qui leur permet d’enlever les écailles ou de transformer le poisson. Actuellement, elles sont obligées d’exécuter les commandes, à tour de bras et de satisfaire toutes les clientes avant 17 heures.
Mbagnick Kharachi Diagne