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Entretien avec Monsieur Alboury Ndiaye : « Saint-Louis/Jazz a eu l’occasion d’accueillir des jazzmen de renommée internationale».

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Alboury Ndiaye est le Président de la Fédération Nationale des Offices de Tourisme et Syndicats d’Initiative (FNOTSIS), un des initiateurs du Festival international de jazz de Saint-Louis. Il est aussi l’ancien directeur de l’hôtel Coumba Bang et l’actuel directeur de l’hôtel de la Poste, qui a eu l’occasion d’enseigner à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis pendant sept ans dans le domaine du tourisme (Economie touristique et Aménagement touristique). Cet intellectuel de gros calibre est également un éminent homme de culture, qui a marqué son empreinte dans le développement culturel de l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (Aof)….Entretien

Question: Le festival international de jazz de Saint-Louis vient d’organiser sa 27ème édition, Dans quelles conditions est née cette initiative, qui en sont les initiateurs et quels étaient les objectifs de l’époque de ceux-ci?

En 1993, la ville de Saint-Louis ne présentait pas le même visage qu’aujourd’hui, certains experts en mission dans la région  n’hésitaient pas à l’assimiler à une ville morte à cause de la faiblesse des activités économiques et surtout des conséquences fâcheuses  des événements sénégalo-mauritaniens de 1989. Il n’y avait que trois hôtels et un restaurant insuffisamment intégrés dans le tourisme international. C’est dans ces conditions que le Centre Culturel français et le syndicat d’initiative et de tourisme de Saint-Louis, fortement soutenus par les hôteliers,  ont fédéré leurs énergies et leurs moyens pour organiser en 1993 la première édition du festival international de jazz. Le centre culturel français était dans le cœur de son métier avec à sa tête une directrice (Michelle Nardi) compétente et généreuse dans l’effort, le syndicat d’initiative, cherchait un événement culturel suffisamment porteur pour améliorer la visibilité de Saint-Louis et permettre une meilleure lisibilité du tourisme de découvertes qu’il prônait.

Comment expliquez-vous le succès précoce de cet événement?

Le succès s’explique par trois raisons fondamentales, d’abord, l’ambition affichée dés la première édition en mettant en place un plateau artistique  de très  grande qualité, une équipe dirigeante soudée et par moment complice dans l’action et un appui désintéressé de certaines institutions. La magie de Saint-Louis a ensuite opéré.

Pouvez-vous être plus précis sur ces institutions?

Vous savez, les institutions ne valent que par la détermination des hommes qui les habitent et les font mouvoir, c’est pour cette raison qu’en fonction des époques, certaines aient eu un impact plus conséquent que d’autres. La mission française de coopération sous la direction de Madame Louise Avon a joué un rôle décisif ainsi que le ministère du tourisme sous la direction de Monsieur Tijane Sylla .Ce dernier a non seulement porté la subvention de son ministère à un niveau jamais égalé, mais il a aussi  autorisé  l’ Union Européenne à mobiliser  d’importants  fonds appelés «Jeffries» pour le compte du festival. N’oublions pas aussi que le Président Abdou Diouf n’a pas hésité à mettre à disposition son avion de commandement.

Vous parliez de richesse du plateau  artistique, pouvez –vous revenir sur les grandes figures qui ont fait la réputation de ce festival?

Dés les premières éditions, Saint-Louis a affiché l’ambition  de figurer parmi les festivals qui comptent en faisant venir tour à tour Archie Shepp, Roynes Haynes , Macoy Tiner, Jack de Johnette, Lucky Peterson , Randy Weston, Ali Farka Touré aux entrepôts Peyrissac et ensuite à la Place Faidherbe, Herbie Handcock, Joe Zawinul, Liz Mac Comb, Rhoda Scott, Abdullah Ibrahim, Fémi Kuti , Manu Dibango, Johnny Grifinn, Elvin Jones et au Quai des Arts, Pharoah Sanders , Jerry Gonzalés ,Randy Weston, Geraldine Laurent et Galliano.

Il me semble important également de signaler que deux ministres de la Culture ont fréquenté la scène de ce festival: Monsieur Youssou Ndour et son homologue du Brésil Monsieur Gilberto Gil.

Le festival n’a pas connu un développement linéaire, il a connu des moments difficiles qui ont inquiété un moment les férus de jazz

J’ai  parlé plus haut de succès précoce, c’est cette précocité qui explique les turbulences constatées après quelques années de vie. L’événement, en grandissant, nécessitait une organisation et des moyens humains autrement plus importants que ceux dont il disposait. Les institutions demeurent mais les hommes qui les incarnent et les animent changent et/ou se définissent d’autres priorités. Le bébé a été trop tôt vite livré à lui-même.

Mais heureusement, la peur de le perdre a certainement motivé cette grande mobilisation à ses côtés pour lui donner un nouvel envol.

Vous avez assisté à toutes les éditions, quelles sont les prestations qui vous ont le plus séduit?

Chaque fois qu’il  y a eu échanges entre musiciens d’ici et ceux de la diaspora, le public et les musiciens ont  grandement apprécié. Les rencontres  de Jack de Johnette et Mbaye Dièye Faye, Doudou Ndiaye Rose et Roy Haynes, Randy weston et les frères Faye, Randy Weston et Ablaye Cissokho , Joe Zawinul et Paco Séri, Pharoah Sanders et babou Ngom, African jazz roots ont été de grands moments de communion entre les artistes et le public. Personnellement, je retiendrai  les deux prestations de Joe Zawinul  et la première de Géraldine Laurent et la générosité du quartet de Simon Goubert. Il est important de savoir que les musiciens de la diaspora acceptent souvent des cachets en dessous de ceux qu’ils réclament à d’autres organisateurs car ils sont à la recherche d’autres sonorités que détiennent nos musiciens maitrisant nos instruments traditionnels. C’est ce qui explique l’engouement de certains de ces musiciens  qui viennent à la rencontre de leurs racines culturelles. La preuve s’il en était besoin de la justesse du positionnement du festival de Saint-Louis.

Il ya cependant une critique récurrente sur la participation des Sénégalais sur le IN du festival; Que répondez-vous à ceux-là?

Le IN, se veut une scène internationale, il est donc impératif qu’il continue de satisfaire les exigences de son ambition si elle veut garder son standing. Il y a des standards qu’il faut scrupuleusement respecter sous peine de se retrouver rétrogradé.

Pour être programmé sur le IN, il faut en avoir le niveau, Saint-Louis/jazz doit, pour continuer  d’exister, être inflexible sur ce principe.

Un festival n’est pas seulement une série de concerts sur le IN, il ya d’autres manifestations qui concourent à donner à la ville la dimension festive pendant l’événement.

Lesquelles par exemple?

Les concerts du Off, la scène des artistes  qui permettent les «Beuf» et toutes les manifestations culturelles historiques  comme le «takussan ndar» magnifiquement organisé par l’association «Ndart». Cette manifestation qui est en fait une fresque humaine en mouvement a permis de revisiter une partie importante de notre patrimoine historique et de révéler  la richesse et la diversité de notre héritage culturel. La présence de l’ensemble lyrique traditionnel à la cérémonie d’ouverture est un hommage mérité à ceux-là qui se battent pour préserver, entretenir et enrichir notre patrimoine musical.

Quels sont d’après vous les faits marquants de ces 27 ans?

Le  fait le plus important a été la décision du Président Abdou Diouf de mise à disposition de son avion de commandement pour transporter Musiciens, techniciens, matériel, journalistes et invités. C’était l’expression la plus achevée de l’adhésion des autorités à une manifestation culturelle.

Ensuite la prestation remarquée d’Ablaye Cissokho avec Randy Weston car cet artiste n’aurait jamais imprimé cette tournure à sa carrière s’il n’avait pas accepté de gravir les différents échelons de la scène de Saint-Louis/Jazz. Il est un produit de cette scène confirmant ainsi  la justesse de notre vision de faire de cette scène, un tremplin pour les jeunes talents.

Et enfin la dernière soirée de la 18éme édition avec les prestations d’African-jazz-roots, Jerry Gonzalés et Pharoah Sanders .Le lendemain du festival, un journal de la place titrait «l’Apothéose», je dois  avouer qu’on en était pas loin. On me reprochera peut-être d’avoir retenu ce moment car c’était la dernière fois que j’intervenais dans ce festival comme maitre d’œuvre.

Quelle doit être l’attitude des nouvelles autorités vis-à-vis de ce festival?

Cet événement a un réel potentiel de développement mais il nécessite de la part des autorités municipales, régionales et celles de l’Etat un appui autrement plus conséquent que celui qui lui est actuellement consenti.

Je dois à la vérité d’insister sur le rôle déterminant que jouait l’ancien préfet de Saint-Louis,  Serigne Mbaye, pour la réussite de cette manifestation.

Quels mots à l’attention de nos responsables?

Ils ont l’impérieuse obligation de se montrer dignes de l’héritage qu’est ce patrimoine culturel vivant qui a le mérite de fêter ses 27 ans. Combien en avons-nous au Sénégal?

Depuis des années,  jai constaté plusieurs initiatives privées d’excellente qualité pendant le festival, ce qui est une  très bonne chose. Il faut maintenant arriver à mettre tout cela (In, OFF, soirées privées) en musique afin de pouvoir proposer aux mélomanes un produit dont la richesse réside dans la diversité. Il ne faut pas, surtout pas,  que nos égoïsmes triomphent sur notre commun vouloir de construire une cité s’appuyant sur les ressorts de son patrimoine culturel.

Je demeure très optimiste car les autorités administratives et municipales, en permanence, affichent leur ambition de valoriser le patrimoine culturel de Saint-Louis et le Ministre Youssou Ndour a eu l’occasion de réserver un accueil particulièrement chaleureux à l’équipe dirigeante de Saint-Louis-jazz.

                                                                Propos recueillis par Mbagnick Kharachi Diagne

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