Dans les officines, chaque pharmacien y va aujourd’hui selon ses connaissances dans la sensibilisation et l’orientation des cas suspectés de Covid qui se présentent devant eux. Les autorités sanitaires n’ont pas encore sorti une note allant dans le sens d’un protocole uniforme. D’où ce plaidoyer lancé par les pharmaciens privés qui demandent la mise en place d’un protocole qui définisse clairement la meilleure conduite à tenir face à un patient qui présente les symptômes de la maladie.
C’est la première ligne de front pour rencontrer les personnels de santé : la pharmacie. A Dakar, ce service essentiel pour le public a peu changé de visage dans le contenu et dans le service. Les masques et les gels hydro alcooliques occupent aujourd’hui une bonne place sur les étagères des officines, à côté desquels des boites traditionnelles de médicaments. Une réorganisation survenue quelques jours après l’annonce du premier cas de coronavirus dans le pays le 02 mars dernier. Et qui demeure la règle pour cette deuxième vague de contamination très contagieuse et plus mortelle.
Le mal est là, et les propriétaires savent pertinemment qu’ils font partie des personnes les plus exposées au virus. Pour lutter d’ailleurs contre cet ennemi sournois, les officines de Dakar essayent tant bien que mal de se barricader contre la contamination et l’automédication. Notamment en face de personnes suspectées d’avoir chopé le virus quelque part. En effet beaucoup d’acheteurs présentent les signes de la maladie. Mais certains parmi eux, têtus ou niant l’évidence, refusant de se rendre dans une structure de santé proche, préfèrent se procurer le « paracétamol » ou un autre produit dérivé à la pharmacie pour soulager leur « grippe ».
Dans une pharmacie installée à l’unité 15 des Parcelles Assainies, ce n’est pas le moment de se faire des amis, ou d’en chercher. Surtout pas auprès des deux préposés à la vente. Ici, c’est la loi du « Fast track » ! La vente de médicaments et autres produits de pharmacie se fait rapidement. On évite que les clients viennent s’entasser devant le comptoir de cette officine où les remèdes contre la maladie de la covid-19 sont presque en rupture. Ici, c’est pourtant rare de voir des patients qui viennent solliciter des médicaments covid-19 sans ordonnance.
Sensibilisation à l’automédication
Epaules frêles, un jeune d’environ 25 ans toussote dans son masque qui lui couvre mal la bouche et le nez. Un masque lavable en tissu wax de couleurs noir et blanc, mais malpropre. Yeux rouges, le jeune homme longiligne a un écoulement nasal et souffre de maux de tête depuis « des jours », environ trois à quatre, précise-t-il. Des maux de tête accompagnés d’une toux interminable qui lui font penser à une « grippe ». Il s’adressait à une préposée à la vente qui suspecte pourtant chez lui les symptômes de la Covid-19.
A l’issue de leur court échange, elle griffonne rapidement quelques mots sur un bout de papier comportant d’abord l’âge et l’adresse du patient à qui elle demande de se rendre au centre de santé le plus proche. Justement, la sensibilisation à l’automédication et l’orientation vers un établissement de santé, c’est le maitre-mot chez les pharmaciens. Quand se présente un patient présentant les signes de la Covid, la première règle, « c’est la sensibilisation à l’automédication ». C’est, du moins, ce qu’indique ce pharmacien d’une officine de Marché Dior où les gestes barrières commencent à la porte de l’enseigne, devant un vigile qui prend la température des clients avant qu’ils soient autorisés à pénétrer dans l’établissement.
« C’est avec la Covid-19 que tu vois un vigile prendre la température d’un médecin. C’est vraiment le monde à l’envers ! », dixit cet usager dans son masque chirurgical correctement mis, et couvrant bien la presque totalité du visage, à partir du nez jusqu’au menton. « Ah mais, la maladie existe hein. Je recommande vraiment de tout faire pour ne pas être contaminé et ne pas être un vecteur également. C’est une maladie très bizarre et qui tue », a conseillé l’homme au cartable noir, bien sapé dans sa veste noire qui couvre une chemise blanche couvrant un corps moyen. Et qui demande d’éviter les déplacements inutiles, et surtout de respecter les mesures barrières.
Une fois dans cette pharmacie qui se trouve non loin de la célèbre Ecole Dior, les discussions sont surtout centrées autour des gestes barrières entre les collègues de travail. Lesquels, à leur tour, invitent les clients à se conformer à la règle. « Il n’y a pas de mesures particulières prises pour les pharmacies. C’est pourquoi, nous, les agents, on se lave fréquemment les mains tout en évitant de serrer les mains des clients et les contacts très rapprochés ». Telles sont les seules précautions du moment édictées dans les pharmacies pour éviter les clusters dans ces lieux de travail.
Avec les clients, le protocole tourne autour de la sensibilisation « avec la manière » pour ne pas les apeurer. En cas de symptômes pouvant laisser supposer qu’il s’agit d’un cas de covid, la consigne est d’orienter l’intéressé vers une structure dédiée pour qu’il soit très tôt et très vite pris en charge. Donc, à côté des précautions prises pour les collègues, les pharmaciens et leurs collaborateurs sont également très actifs dans la sensibilisation à l’automédication et à l’orientation des patients présentant des signes de la maladie vers des structures sanitaires pour une meilleure prise en charge.
Avoir confiance à son pharmacien
Notre interlocuteur salue cette approche. Il pense qu’il faut avoir confiance à son pharmacien. « Je crois, dit-il, que le vrai pharmacien, c’est celui qui nous conseille et qui doit être utile dans cette crise sanitaire ». C’est d’ailleurs cela qui doit être la première attitude du pharmacien, selon le président du Syndicat des pharmaciens privés du Sénégal, Dr Assane Diop.
Face à un patient suspect de covid-19, ce docteur en pharmacie explique que « d’abord, on essaye d’identifier les symptômes dans les cas où nous suspectons la Covid, on rassure le patient, lui explique puis l’oriente dans une structure de santé pour se dépister et se prendre en charge ».
A l’ère de la Covid qui nécessite un parcours de soins allant du test à la prise en charge jusqu’à la pharmacie, l’intervention du pharmacien est primordiale. Elle peut renforcer aujourd’hui la cohésion avec l’hôpital pour permettre de gagner en qualité de soins. Surtout au moment où l’accès aux soins est difficile pour le patient.
Le pharmacien étant un maillon de la chaine des volets diagnostic et thérapeutique, ne devrait-on pas aujourd’hui aller vers l’élargissement des tests de diagnostic rapide (Tdr) jusqu’aux officines pour arriver à freiner la propagation du virus ? Les pharmaciens plaident pour la publication d’un « protocole uniforme et unifié suivi par tout le monde » pour que chaque pharmacien, devant un cas suspect de covid-19, puisse savoir quelle conduite tenir.
Le Témoin
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