S’il y a une ténébreuse affaire qui a attiré l’attention de la Chambre Criminelle de la Cour d’Appel de Saint-Louis, c’est bien celle relative à un crime de castration. Dans la salle d’audience, le public a dû retenir son souffle pour pouvoir suivre ce procès et tirer de nombreux enseignements du réquisitoire de l’Avocat Général et de la plaidoirie de l’avocate de la défense.
Ainsi, poursuivi pour des coups et blessures volontaires avec préméditation, ayant entraîné la castration de l’organe génital de son oncle, C.Tall, et une incapacité temporaire de travail (Itt) de 30 jours, le jeune berger de Linguère, A. Sow, âgé de 28 ans et né à Ndiagne, dans la région de Louga, avait déjà été condamné par le tribunal régional de grande instance de Louga, à 20 ans de travaux forcés.
Il a encore comparu devant la Chambre Criminelle de la Cour d’Appel de Saint-Louis, qui a finalement tenu compte des troubles mentaux passagers dont il est souvent victime, pour revoir à la baisse cette peine, en le condamnant à 10 ans d’emprisonnement ferme.
Le président de la Cour a demandé à ses parents venus l’assister à l’audience et à son avocate, Maître Ndeye Arame Seck, de mettre tout en œuvre pour l’aider à poursuivre ses traitements médicaux, après avoir purgé cette nouvelle peine.
La victime, notamment l’oncle de l’accusé, ne s’est pas présenté à cette audience et personne n’a représenté la partie civile à la barre. Les faits qui sont reprochés à A. Sow sont prévus et punis par les articles 294, 295 et 304 du Code Pénal. Cette mesure de clémence de la Chambre Criminelle, qui a permis la réduction de la première peine de 20 ans de travaux forcés, devra être mise à profit par les parents de l’accusé, pour soigner ce dernier dans de bonnes conditions. Ceci, pour éviter qu’il commette encore d’autres crimes.
Le 3 juillet 2015, le nommé Abdou Tall conduisait à la Brigade territoriale de Gendarmerie de Linguère, le jeune berger A. Sow, en précisant aux hommes en bleu que ce dernier, qui souffrait de troubles mentaux passagers, avait surpris son oncle C.Tall dans les bras de Morphée, pour l’émasculer et lui amputer les deux tiers de son organe génital.
Au moment où Abdou Tall se confiait aux gendarmes, la victime était déjà internée à l’hôpital régional de Louga. Sans perdre du temps, les gendarmes enquêteurs se présentèrent dans cette structure sanitaire pour vérifier la véracité de ces informations auprès de la victime.
Cette dernière mettra à leur disposition un certificat médical fixant son incapacité temporaire de travail (Itt) à 30 jours. Au cours de son audition, C.Tall soulignait qu’il était parti à la recherche effrénée de pâturages au Ranch de Dolly.
A 22 heures, après une journée de dur labeur, il se retrouva dans son lit de campagne pour dormir comme un loir. Son neveu A. Sow est venu ensuite à son chevet, muni d’un couteau qu’il glissait doucement sous ses vêtements, avant de s’emparer de son « bijou de famille » qu’il coupait d’un coup sec.
Il précisait avoir alors sursauté avant de s’agripper sur son agresseur qui le repoussait. Dépassé par ce crime de castration qu’il venait de commettre sur son oncle et pris de panique, ce neveu particulier et atypique prit aussitôt la poudre d’escampettes. L’oncle malheureux faisait remarquer que ce neveu bizarre n’avait jamais montré des signes pouvant laisser penser qu’il était sujet à des troubles mentaux. Il s’empressa, cependant, d’ajouter que ce jeune berger avait déjà failli ôter la vie à quelqu’un dans la région de Matam et avait dû purger une peine de deux ans d’emprisonnement ferme.
A la barre, ce jeune berger a persisté dans ses dénégations, en essayant d’expliquer aux praticiens du droit qu’il souffre effectivement de ces troubles mentaux depuis une dizaine d’années, « tantôt je suis lucide, tantôt je ne me souviens pas de mes faits et gestes, je ne serais jamais en mesure de confirmer que je suis à l’origine de ce qui est arrivé à mon oncle, quand cette maladie se manifeste, je ne parviens pas à me maîtriser, j’ai même bénéficié à plusieurs reprises de consultations médicales au niveau de l’hôpital de Fann à Dakar et auprès de nombreux guérisseurs traditionnels, mais cela ne m’a pas permis de retrouver mes esprits, si c’est moi qui ai réellement commis ce crime de castration de l’organe génital de mon oncle, je sollicite la clémence de la Cour et demande qu’on me donne une autre chance pour poursuivre mes traitements ».
L’Avocat Général, Adama Ndiaye, dans son réquisitoire, s’est évertué à démontrer que l’accusé est un homme très dangereux qui est capable de tuer, « il a ruminé ce projet de crime de castration dans la mesure où il a pris le temps de prendre son couteau, de surprendre son oncle en plein sommeil, en vue de lui couper sa verge et d’emporter le moignon amputé qu’on n’a pas retrouvé jusqu’à présent ».
De l’avis de l’Avocat Général, le système de défense qui consiste toujours à dire que l’accusé ne jouissait pas de ses facultés mentales au moment des faits, est trop facile et léger, « dans cette affaire, nous demandons à la Cour de confirmer la première peine de 20 ans de travaux forcés, qui a été déjà prononcée par le tribunal régional de grande instance de Louga ».
Quant à Maître Ndeye Arame Seck, elle a rappelé à la Cour « qu’il n’y a ni crime, ni délit, lorsque l’accusé était en état de démence au moment des faits, nous demandons à la Cour de lui faire une application bienveillante de la loi, conformément aux dispositions de l’Article 50 du Code Pénal car, notre client n’a pas pu résister à une force surnaturelle qui l’aurait poussé à commettre ce forfait, il serait, dès lors, nécessaire de l’acquitter et de lui permettre de poursuivre ses traitements ».
Selon l’avocate de la défense, « même le rapport d’expertise a prouvé que notre client ne jouissait pas de ses facultés mentales au moment où il agressait son oncle ».Après délibération, la Chambre criminelle de la Cour d’Appel de Saint-Louis a suivi l’avocat de la défense dans sa plaidoirie et a fait bénéficier à l’accusé d’une réduction de peine.
Awa Diagne Sall Kharachi