Brassage culturel, Retour aux sources, Choc des cultures, Echanges culturels, Découverte de nouveaux genres musicaux, etc. Les vocables ne manquent pas pour illustrer cette belle soirée Flamenco qui a marqué, hier, au centre culturel français de Saint-Louis, le deuxième concert du Festival Métissons, initié depuis dix ans par Jean Michel Smitch, qui en est l’organisateur principal. Nous avons eu droit, hier, à une grande soirée électrique qui a permis de mettre en avant le guitariste et chanteur Layranks, pionnier du mouvement hip-hop de Saint-Louis dans les années 1990 (au sein du groupe Black Muslims). A travers sa prestation, Layranks a encore prouvé qu’il est l’un des piliers de la musique Made in Saint-Louis. Passant avec aisance de l’acoustique au raggamufin, il se produit dans les cabarets de la capitale du Nord et inspire toujours le respect et l’admiration des nouvelles générations. Sur scène, il se comporte comme les grands musiciens de Reage jamaïcains. Le public a été également séduit par la prestation de Yinka Esi Graves, une grande danseuse de Flamenco, qui est parvenue à crucifier ces festivaliers venus des quatre coins de notre pays et ces nombreux férus de la musique Flamenco. Visiblement contents, les espagnols se sont concentrés pour admirer les gestes emphatiques, les déplacements très rapides, la chorégraphie majestueuse de Yinka. Cette dernière mesure ses pas, se contorsionne avec une rapidité déconcertante, fait parler les talons de ses chaussures coquettes et fait bouger son corps, bien moulé dans un trousseau vestimentaire atypique. Née à Londres, de père jamaïcain et de mère ghanéenne, Yinka est une danseuse aux influences électriques, qui a découvert et s’est initiée au Flamenco, à Séville. Elle s’est produite hier sur la scène de Métissons, avec son groupe composé d’un chanteur et d’un guitariste. Selon les espagnols que nous avons interrogés hier, le flamenco est un style de musique et de danse dont les origines très anciennes mêlent des influences arabes, juives et gitanes. Cette tradition populaire, aujourd’hui reconnue comme un art à part entière, est enseignée dans de nombreuses écoles de danse. C’est un art très vivant. Le flamenco est une tradition vivante qui allie de somptueuses mélodies, des jeux de guitares et un style de danse singulier. Cet art est censé exprimer la joie et la souffrance. A l’origine, le Flamenco consistait en un chant sans accompagnement ou « cante » auquel ont été progressivement ajoutés des claquements de mains « palmas », de la danse (« baile ») et de la guitare (« toque »). Des instruments comme le cajón (percussion venant du Pérou) et les palillos (castagnettes) ont été introduits plus récemment. On distingue donc aujourd’hui trois formes de flamenco : le chant, la danse et le jeu de guitare. Cet art a perpétué un certain nombre de formes traditionnelles, qui se différencient par leur rythme ou « compas ». Certaines formes de danse ou de chants sont traditionnellement réservéesaux hommes, tandis que d’autres sont réservées aux femmes. Mais cet aspect de la tradition tend à s’effacer aujourd’hui.Par ailleurs, il existe beaucoup de variantes régionales en Espagne et des formes modernes de Flamenco renouvellent la tradition. Le flamenco, dont le nom a une origine incertaine, plonge ses racines dans trois cultures arabe, juive et andalouse. Cet art serait né à Triana, un quartier de Séville, où poètes et musiciens ont trouvé refuge au XVIème siècle. Les gitans, souvent considérés à tort comme les initiateurs du Flamenco, ont également influencé cet art et contribué à sa notoriété. Le flamenco s’est fait connaître dans les théâtres et à la radio à partir des années 1920. Parmi les grands noms qui ont marqué cet art, on peut notamment citer Antonio Ruiz Soler, Joaquin Cortès, Antonio Gades, Sara Baras et Cristina Hoyos.
Cheikh Lô et les espagnols, en transe.
Né au Burkina Faso, de parents sénégalais, Cheikh Lô occupe sans aucun doute, une place particulière dans la musique sénégalaise. Baye Fall, c’est-à-dire, adepte d’une variante du mouridisme, rendant hommage à cheikh Ibra Fall, l’artiste est connu pour ses deadlocks et ses tenues multicolores. Amateur de reggae dans sa jeunesse, Cheikh Lô est avant tout un artiste et un musicien complet, à la fois batteur, guitariste, mais aussi compositeur et interprète. Son répertoire musical puise dans toute la richesse du patrimoine sénégalais, pour créer un style musical propre porté par une des plus belles voix du pays.
En se produisant avec les musiciens espagnols, sur la scène de Métissons, il a encore démontré qu’il est un des artistes phares de la scène nationale et des plus grands festivals du monde. Nul ne peut résister à la mélodie de cet éminent chanteur à la voix d’or. A travers sa prestation, ce guitariste et chanteur sénégalais a donné envie au public sénégalais et espagnol d’esquisser des pas de danse et de valoriser leurs cultures qui, au fil du temps, prennent le dessus sur toute autre considération. Des cultures sénégalaise et espagnole qui s’enchevêtrent, qui se recoupent, qui se complètent et qui ont beaucoup plus de ressemblances que de différences. C’est ce qui a facilité ce dialogue sur scène entre Cheikh Lô et ces musiciens espagnols.
Cheikh Lô est un artiste très célèbre, qui développe avec brio un genre musical nouveau, atypique et enrichissant. D’autant plus qu’en écoutant de plus en plus ce Baye-Fall, on s’ouvre au modernisme en s’enracinant dans nos traditions, nos valeurs culturelles, us et coutumes africaines. Ce qui est impressionnant, captivant, délirant, chez ce musicien de gros calibre, c’est qu’à chaque fois qu’il joue un nouveau morceau, on a l’impression qu’il est meilleur que le précédent. Et du fait de ce changement agréable de rythme, on est sous l’emprise de ce qu’on peut appeler « la drogue musicale Baye-Fall».
Avec Cheikh Lô, on arrive difficilement à se faire violence pour se maîtriser. Certains mélomanes remuent la tête et les épaules, tandis que d’autres, ne pouvant pas se retenir, accompagnent la musique endiablée de ce chanteur, en esquissant des pas de danse, en se contorsionnant pour marquer les refrains. Des déhanchements qui donnent toujours une idée de l’engouement populaire suscité par les belles prestations de cette virtuose de la guitare et de la batterie.