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Zimbabwe: Nelson Chamisa, le perdant qui n’a pas dit son dernier mot
Publié il y'a
5 ans ..Date :
Par
Mamadou diaga
Malgré les contestations, la messe est manifestement dite au Zimbabwe où la commission éléctorale a annoncé la victoire du candidat de la Zanu-PF, Emmerson Mnangagwa, à l’élection présidentielle. Son rival, le jeune Nelson Chamisa a perdu la bataille, mais peut-être pas la guerre qui oppose à Harare la vieille garde au pouvoir depuis 40 ans à la jeunesse piaffant d’impatience pour prendre en main le destin de leur pays. Le perdant Nelson Chamisa incarne leurs aspirations et leur dynamisme.
Le décompte des voix de la présidentielle du 30 juillet 2018 a été lent, suscitant l’impatience de l’opposition zimbabwéenne qui avait très tôt annoncé la victoire « éclatante » de son champion. Il n’y a pas eu de victoire en fin de compte pour Nelson Chamisa, dirigeant du Mouvement pour la démocratie (MDC). Selon les résultats qui viennent d’être proclamés par la Zimbabwe Election Commission (ZEC), la présidentielle a été remportée par Emmerson Mnangagwa, candidat du parti au pouvoir à Harare depuis l’indépendance, la Zanu-PF. Avec 50,8% des voix contre 44,3 % pour Chamisa. La Zanu-PF a également raflé, avec 144 sièges contre 61 pour la MDC, la majorité absolue aux législatives qui se sont déroulées en même temps que la présidentielle.
Ces résultats officiels contredisent les annonces du MDC qui est persuadé qu’il y a eu fraudes et que les résultats sont truqués. L’annonce des résultats partiels des législatives avait d’ailleurs fait descendre dans la rue les militants de l’opposition qui se sont affrontés contre les forces de l’ordre, entraînant des morts parmi les manifestants. Qualifiant ces résultats de « faux », le candidat malheureux de la joute présidentielle a promis de porter l’affaire devant la justice.
Force est toutefois de reconnaître que malgré sa défaite, Nelson Chamisa a été « l’une des révélations de ce scrutin », selon Victor Magnani de l’Institut français des relations internationales (Ifri) qui suit de près les soubresauts de la vie politique zimbabwéenne. Successeur de l’ancien Premier ministre Morgan Tsvangirai à la tête du MDC, le principal parti de l’opposition, Nelson Chamisa, 40 ans, est la star montante de la vie politique zimbabwéenne. Pendant la campagne, sa jeunesse, son dynamisme, ses talents d’orateur avaient donné du fil à retordre à Emmerson Mnangagwa, président sortant et favori du scrutin. On se souvient au cours de la dernière semaine, les sondages donnaient les deux candidats au coude-à-coude.
Changement générationnel
Tous les observateurs de la campagne électorale ont remarqué pendant les meetings archi-pleins de l’opposition le formidable enthousiasme suscité parmi la jeunesse par son candidat, notamment dans les villes, qui lui étaient acquises. Mais, il se trouve que près de 60% de la population zimbabwéenne vit dans des régions rurales et elle vote traditionnellement pour la Zanu-PF. L’oubli de cet électorat rural pourrait être, selon Victor Magnani, l’une des explications des résultats, nettement en deçà de ce que la communication de l’opposition laissait espérer.
Il n’en reste pas moins que la campagne qui vient de s’achever a été très positive pour l’opposition zimbabwéenne et a permis de donner une visibilité à ses ténors, dont Nelson Chamisa. Or, l’homme n’était pas totalement inconnu du grand public. Il était le protégé de feu Morgan Tsvangirai, fondateur du MDC et premier homme politique zimbabwéen à avoir osé réclamer le départ du père de l’indépendance, Robert Mugabe, et cela dès les années 2000. Chamisa est entré dans le Parlement sous l’étiquette du MDC, avant d’être appelé au gouvernement d’union nationale que Tsvangirai a dirigé entre 2008 et 2013 en tant que Premier ministre de Mugabe. Nelson Chamisa avait 25 ans quand il est entré au Parlement et 31 ans lorsqu’il est devenu ministre. Le plus jeune parlementaire et le plus jeune ministre dans l’histoire du pays, le quadragénaire nourrit l’ambition d’être le plus jeune président du Zimbabwe. Ce ne sera pas pour cette fois, mais tous les observateurs de la vie politique sont d’accord pour constater qu’il faudra désormais compter avec lui. Son nom est dans leurs tablettes.
Passion de la politique
Avocat de formation et pasteur diplômé exerçant sa vocation spirituelle au sein d’une Eglise pentecôtiste, Nelson Chamisa est né à Masvingo (sud-est du Zimbabwe) le 2 février 1978, tout juste deux ans avant l’indépendance de son pays. Depuis sa naissance, il n’a connu que deux chefs d’Etat, Mugabe et Mnangagwa, tous les deux issus de la génération des indépendantistes. Dans ses meetings, s’il se situe dans la filiation de ces « braves anciens », il n’a pas eu de cesse de les appeler à transmettre le pouvoir aux plus jeunes et de profiter enfin du « repos du guerrier » si bien mérité. « Ces anciens ont aujourd’hui tous 60 ans, voire 70 ans, a-t-il affirmé dans une interview à la radio allemande Deutsche Welle. Ils savent qu’ils se trouvent dans le crépuscule de leur vie. Ils ne peuvent plus participer à la construction de notre grand continent, car ils n’ont pas de perspective sur l’avenir. Il est en fait criminel pour des septuagénaires comme Emmanuel Mnangagwa de parler de ce que les années 2050 ou 2060 ont en réserve pour l’Afrique. »
Passionné de politique et du devenir de son continent depuis son très jeune âge, Nelson Chamisa a aussi dirigé le puissant syndicat national des étudiants du Zimbabwe (Zinasu). A ce titre, il a organisé en 1999 le blocage des lycées et des universités pour protester contre le degré zéro de la politique de Mugabe dans le domaine de l’éducation. De cette époque datent ses premiers contacts avec Morvan Tsvangirai. Ensemble, ils fondent au tournant du siècle le MDC qui devient le premier parti de l’opposition au « camarade Bob », qui gérait le pays d’une poigne de fer, ne supportant la moindre mise en cause de son autorité.
Sa défiance du pouvoir vaudra à Chamisa de nombreuses arrestations et un quasi-lynchage en 2007 par les agents de sécurité, alors qu’il était sur le point de prendre l’avion pour participer à une conférence en Europe. Avec d’autres militants, il était laissé pour mort aux abords de l’aéroport international de Harare, avec le crâne fracassé.
La fin des années 2000 s’est révélée particulièrement tragique pour l’opposition zimbabwéenne. A l’élection présidentielle de 2008, mis en ballotage par l’opposant Tsvangirai, Robert Mugabe a fait régner la terreur contre les militants de l’opposition, obligeant son rival à se retirer de la course pour mettre un terme au déchaînement de violences contre les siens. Ces violences firent 200 morts et plus de 10 000 blessés dans les rangs du MDC, selon les chiffres qui avaient été communiqués à l’époque par les dirigeants de cette formation.
L’opposition tient sa revanche lorsque sous la pression de la communauté internationale l’autocrate Mugabe est obligé d’accepter la formation d’un gouvernement d’union nationale dirigé par le chef de l’opposition qui n’est autre que Morgan Tsvangirai. Chamisa participera à cette opération qui ressemblait à une « paix des braves » temporaire, en acceptant d’entrer dans le gouvernement où il est chargé de s’occuper pendant quatre ans du portefeuille de l’Information et des Communications. Ce sera sa seule expérience de gestion des affaires publiques.
David contre Goliath
Au cours de la campagne électorale, on a beaucoup reproché à Nelson Chamisa sa jeunesse et son expérience gouvernementale limitée. Trop immature pour diriger le pays ? La Constitution zimbabwéenne stipule qu’il faut avoir 40 ans pour postuler à la magistrature suprême. Né le 2 février 1978, c’est de justesse que Chamisa a réussi à faire valider sa candidature à la présidence. Son rival et désormais le président-élu, Emmerson Mnangagwa, a quasiment deux fois son âge. Depuis quatre décennies, ce dernier est dans les coulisses du pouvoir et en connaît toutes les manettes.
Or, malgré l’accusation de novice qui lui colle à la peau, le jeune Chamisa a su créer dans le pays, selon le chercheur Victor Magnani, « une véritable dynamique en faveur de l’opposition ». Cela s’explique, selon les spécialistes, par la soif de changement des Zimbabwéens, confrontés à un marasme économique profond touchant tous les secteurs de la production et du travail.
Des années de mauvaise gouvernance par Mugabe et la corruption de l’élite politique occupée à faire main basse sur les ressources minières du pays ont précipité l’effondrement de l’ensemble de l’économie, plongeant le Zimbabwe dans le chômage de masse, l’hyperinflation, la pauvreté généralisée et la faillite des services publics, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. Endetté à hauteur de quelque 10 milliards de dollars, soit 52% de son PIB, le pays a absolument besoin de renouer avec les investisseurs étrangers.
Les réponses proposées par Chamisa en la matière ne sont pas très différentes de celles avancées par les protagonistes du camp en face, tous conscients des priorités : faire démarrer l’économie, lutter contre la corruption et changer le climat des affaires pour convaincre les opérateurs économiques étrangers de revenir. A la fois pragmatiques et passionnés, les discours de campagne du chouchou de la jeunesse de Harare et de Bulawayo n’ont pas été toutefois dépourvus d’extravagances telles que ses propositions de construire en cas de victoire des lignes de TGV (Bullet train) et des autoroutes reliant les grandes villes du pays, ou multiplier le PIB du pays par plus de cinq en dix ans pour atteindre la barre des 100 milliards de dollars annuels. Le candidat de l’opposition a aussi créé la controverse en annonçant qu’il considérait que les relations entre son pays et la Chine sont inégales et qu’il pourrait revenir sur les accords conclus ces dernières années entre leurs deux pays.
Pour nombre d’observateurs, ces débordements ont valu à Nelson Chamisa sinon la victoire, du moins sa présence à un deuxième tour du scrutin présidentiel. Le poids faible de l’opposition notamment dans les régions rurales traditionnellement acquises à la Zanu-PF n’est peut-être pas étranger à sa défaite dans ces premiers scrutins post-Mugabe. L’armée, qui avait pourtant promis d’être neutre lors des élections, n’a peut-être pas été si neutre que ça, comme en témoignent les affrontements meurtriers entre les manifestants et l’armée après l’annonce contestée de la victoire de la Zanu-PF. Ces violences ont été dénoncées par le chef de l’opposition tout comme les résultats de la présidentielle qu’il a qualifiés de « faux » sur Twitter.Le changement générationnel promis pendant la campagne se fait attendre, mais les protagonistes de la prochaine bataille sont déjà en place. Ce sera encore David contre Goliath, pour emprunter la métaphore favorite du pasteur Chamisa qui connaît ses classiques du bout des doigts.
RFI
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Invasion russe : le chef de la diplomatie ukrainienne à Dakar en octobre
Publié il y'a
12 mois ..Date :
28 septembre 2022
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, est attendu à Dakar les 3 et 4 octobre prochain. D’après Le Quotidien, qui donne l’information, il sera reçu par son homologue sénégalaise, Aïssata Tall Sall, et le Président Macky Sall.
Le journal souligne qu’à travers ce déplacement au Sénégal, qui assure la présidence de l’Union africaine, Kiev cherche à élargir son cercle d’amis dans ce contexte d’invasion russe et, surtout, à établir des rapports solides avec les pays du continent.
«Je suis convaincu que le Président Macky Sall peut jouer un rôle important en tant que président en exercice de l’Union africaine», avait déclaré Dmytro Kuleba, en juin dernier, dans un entretien avec le journal Le Quotidien.
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Iran: au moins 76 personnes tuées dans la répression des manifestations selon une ONG
Publié il y'a
12 mois ..Date :
27 septembre 2022
Au moins 76 personnes ont été tuées en Iran dans la répression des manifestations déclenchées il y a dix jours par la mort d’une jeune femme détenue par la police des mœurs, a indiqué lundi une ONG.
Selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, « au moins 76 personnes ont été tuées dans les manifestations » dont « six femmes et quatre enfants », dans 14 provinces du pays. L’IHR a affirmé avoir obtenu des « vidéos et des certificats de décès confirmant des tirs à balles réelles sur des manifestants ».
Les protestations ont éclaté le 16 septembre après le décès à l’hôpital de Mahsa Amini, une jeune Iranienne de 22 ans, arrêtée trois jours auparavant à Téhéran pour non-respect du code vestimentaire strict pour les femmes en République islamique d’Iran. Depuis, les Iraniens descendent chaque soir dans la rue à Téhéran et ailleurs dans le pays. Les autorités iraniennes ont elles jusque-là donné un bilan de 41 morts incluant manifestants et forces de l’ordre. Elles ont aussi annoncé l’arrestation de plus de 1 200 manifestants.
Tirs à balles réelles
Ce lundi soir, les protestations ont repris avec les mêmes slogans de « Mort au dictateur » dans la capitale et dans d’autres villes, selon des témoins. À Tabriz dans le nord-ouest, une vidéo diffusée par l’IHR a montré des policiers tirant du gaz lacrymogène contre les manifestants. Le bruit des tirs de balles y est en outre entendu.
Selon de récentes vidéos publiées par l’AFP, la police anti-émeute a, lors des protestations, frappé des manifestants à coups de matraque et des étudiants ont déchiré de grandes photos du guide suprême Ali Khamenei et de son prédécesseur, l’imam Khomeiny. Et d’après des groupes de défense des droits humains, elle a aussi tiré des plombs et à balles réelles sur les protestataires qui ont lancé des pierres, incendié des voitures de police et mis le feu à des bâtiments publics. D’autres images ont montré des femmes enlevant et incendiant leurs voiles ou se coupant symboliquement les cheveux, encouragées par la foule, dans plusieurs villes.
Outre les plus de 1 200 arrestations par les autorités, le Comité pour la protection des journalistes a fait état lundi de l’arrestation de 20 journalistes iraniens depuis le 16 septembre.
L’UE dénonce l’usage « généralisé et disproportionné de la force »
Face à la répression, l’Union européenne a dénoncé l’usage « généralisé et disproportionné de la force ». Condamnant la « répression brutale » de la contestation par Téhéran, la France a indiqué lundi soir qu’elle examinait avec ses partenaires européens « les options disponibles en réaction à ces nouvelles atteintes massives aux droits des femmes et aux droits de l’homme en Iran ».
Le président américain Joe Biden a, lui aussi, dénoncé la répression des manifestations, se disant solidaire des « femmes courageuses d’Iran ». Le Canada a décidé d’imposer des sanctions contre une dizaine de responsables iraniens et d’entités dont la police des mœurs. Et Berlin a appelé l’Iran à « ne pas recourir à la violence » contre les manifestants.
Mais les autorités iraniennes restent fermes. Samedi, le président conservateur Ebrahim Raïssi a appelé les forces de l’ordre à agir contre les manifestants, qualifiés « d’émeutiers ». Après lui, le chef du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, a exclu toute « indulgence » envers les instigateurs des « émeutes ».
RFI
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RDC: Kinshasa confrontée à la résurgence d’attaques des «kulunas»
Publié il y'a
12 mois ..Date :
26 septembre 2022
La terreur règne dans plusieurs communes de Kinshasa à la suite de la résurgence des attaques des « kulunas », criminels qui amputent des membres, tuent, rackettent et volent des biens, le jour comme la nuit. Les autorités assurent que la situation est sous contrôle, mais la flambée des cas inquiète la société civile. Les députés dénoncent un vide sécuritaire dans la capitale.
Le cas le plus récent des attaques des « kulunas » est celui d’un policier tué durant le week-end du 24-25 septembre à coups de machettes dans la commune de Kimbanseke, la plus peuplée des 24 communes de la capitale Kinshasa. Le député provincial Erick Bukula est excédé :
« La police n’arrive plus à contenir le phénomène. Il y a des » kulunas » qui abattent, tranchent la main ou la tête de telle ou telle personne, qui blessent même des policiers. Ils sont devenus comme des milices pour des règlements des comptes. »
La police fait, selon lui, face à plusieurs problèmes, dont des effectifs réduits, mais pas seulement : « Dans plusieurs communes, comme dans la commune de Limete par exemple, avec 14 quartiers, vous serez étonnés de savoir qu’il y a moins de quatre sous-commissariats. Dans ces commissariats, vous ne trouverez que trois ou quatre policiers, soit un seul qui a une arme à feu. Donc, il y a un problème d’effectifs, d’équipements et de recrutement des policiers. Le gouvernement national devrait financer la police de Kinshasa en ce qui concerne la sécurité. »
Le chef de la police de Kinshasa, Sylvano Kasongo, assure que la situation est sous contrôle grâce aux opérations de bouclage et des patrouilles de routine. Mais il attend une plus grande collaboration :
« Nous ne sommes pas débordés ni dépassés. Il y a des mesures que nous allons prendre pour endiguer le phénomène. La difficulté, c’est la collaboration de la population, parce que ces » kulunas » ne sont pas des extra-terrestres. Ils habitent dans des maisons, des parcelles, ils ont des parents et tout ça. J’appelle la population à collaborer toujours, pour charger les » kulunas » pour que ces gens puissent être condamnés par la justice. Nous avons installés des boîtes aux lettres anonymes dans chaque commune pour que les populations se sentent à l’aise de venir dénoncer. »
Des milliers de « kulunas » ont été mis aux arrêts depuis le début de l’année par la police. Certains ont été envoyés au service national pour leur rééducation, tandis que d’autres ont été déférés devant la justice.
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