Le chef du service régional d’appui au développement local de Saint-Louis, Abdou Dione, fait partie des experts nationaux qui ont des connaissances solides et avérées sur les questions relatives à la Décentralisation. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, juste après son départ à la retraite, il a rappelé que la volonté d’organiser « le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable, à l’horizon 2022 » passe par la mise en œuvre de programmes et projets bien articulés à la vision de territorialisation des politiques publiques.
M. Dione, pouvez-vous revenir sur la première phase de l’évaluation de la mise en œuvre de la réforme en 2016 ?
Oui, en effet, en tirant les enseignements de la première évaluation de la mise en œuvre de la réforme en 2016, il a été adopté le Programme d’Opérationnalisation de l’Acte 3 de la Décentralisation du Sénégal (Proact/Sen), qui a pour objet d’asseoir la politique de viabilisation des collectivités territoriales dans leurs aspects institutionnel, organisationnel, financier et programmatique, afin qu’elles deviennent de véritables actrices du développement des territoires.
Dans sa mise en œuvre, les effets attendus sont le renforcement des capacités de gouvernance des collectivités territoriales (Ct), l’accroissement des capacités de financement des Ct, l’amélioration de leur attractivité.
Ce programme, prévu pour de dix ans, comprend quatre Sous-programmes, qui s’articulent autour de la « Consolidation du dispositif de pilotage et de mise en œuvre de la décentralisation », de la « Rénovation de la construction de la cohérence territoriale du pays », du « Renforcement de l’organisation, des ressources humaines et des capacités techniques des Ct », de « l’Accroissement des capacités financières et d’investissements des Ct ».
Dans sa première phase (2018-2023) qui est effectivement entamée, l’accent est mis sur l’émergence de Collectivités territoriales performantes alors que la deuxième phase (2024-2028) devrait ouvrir des chantiers exigés par la montée en puissance des structures et des dispositifs territoriaux devenus plus performants.
Pouvons-nous avoir une idée précise des avantages de la communalisation intégrale ?
La communalisation intégrale offre de nouvelles opportunités avec le renforcement du statut communal, l’uniformisation dans la gestion des communes, la réduction des clivages “rural” et “urbain” et une meilleure valorisation des entités territoriales de base (village et quartier). Désormais, ces entités sont placées au premier ordre de collectivité territoriale au Sénégal et ont fait disparaître les communautés rurales dans l’architecture de notre décentralisation.
Cette démarche est pertinente, novatrice, de rupture et participative ?
Cette démarche semble offrir une meilleure harmonisation et de nouvelles possibilités découlant du nouveau statut communal en termes d’outils et d’instruments dans la gestion et l’administration du service public local (uniformisation des actes de gestion des communes ‘’rurales/urbaines’’). Il s’y ajoute l’aptitude à recruter du personnel qualifié lorsque les conditions sont remplies. Il y’a lieu de relever qu’à travers cette option, le législateur a su répondre au besoin de rendre effectif le service public de proximité et la gestion beaucoup plus rapprochée ; cela, pour mieux répondre aux demandes des populations, et par la même occasion, favoriser la participation des acteurs locaux dans le sens de la mise en œuvre de stratégies adaptées.
Les départements ont été érigés en collectivités territoriales, quels sont les enseignements que nous pouvons tirer de cette option ?
L’érection du département en collectivité locale, correspond à une réalité historique et offre l’avantage de former des entités territoriales intermédiaires aptes à favoriser une gouvernance locale et un développement territorial mettant en synergie des communes partageant un vécu et des potentialités spécifiques dans une dynamique d’intégration ‘’rural-urbain’’. Cette option s’accompagne d’un certain nombre d’avantages relatifs, entre autres, au symbole très fort sur des sentiments d’appartenance et d’identification à une entité plus homogène du point de vue socio-culturel et économique, au maintien du partage d’un vécu et des potentialités spécifiques dans une dynamique d’intégration « rural-urbain », à l’opportunité de favoriser une politique visant à encourager l’intercommunalité, à la protection des liens sociologiques entre l’acteur et son espace.
Cela veut dire certainement que cette option offre de nombreuses opportunités ?
L’érection des départements en collectivités locales, donne l’opportunité pour construire de nouveaux espaces politiques fondés sur une autonomie réelle, une démocratie et une participation citoyenne et une administration de proximité avec des conseils élus au suffrage universel.
Au plan des attributions, il faut relever la confirmation des compétences dévolues à l’ancienne Région avec parfois un élargissement du champ ou une extension à une nouvelle responsabilité (CMU, construction/création d’infrastructures, etc.). Au plan technique et stratégique, des avancées importantes sont notées avec la formulation d’un ambitieux programme visant l’opérationnalisation de l’Acte 3 de la décentralisation dénommé Proact/Sen.
Propos recueillis par Awa Diagne Sall Kharachi
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