Le Secret de la réussite
Le système de parrainage (version 2019) ,une fausse solution pour un vrai problème
Publié il y'a
5 ans ..Date :
Par
Mamadou diagaLa Chronique de BOUBA
Exit ou mises en veilleuse, les questions sur le fichier, la nomination d’un ministre chargé des élections ou encore la confection et ou le retrait des cartes, entre autres actualités qui agitaient l’espace politique ? En tout cas, le débat semble se cristalliser aujourd’hui autour de la question de l’élargissement du parrainage des candidatures à la prochaine élection présidentielle. Ce sujet fait polémique et inquiète, au-delà des acteurs politiques, toutes les forces vives de la nation. De quoi s’agit-il exactement ? Le gouvernement a déposé sur la table de l’Assemblée Nationale deux projets de loi : l’un visant à réformer la constitution et l’autre le code électoral. Si ces réformes sont adoptées, toute candidature, qu’elle émane d’un parti politique ou d’un candidat indépendant, doit être parrainée par 1% du fichier général. En plus clair, le candidat doit alors avoir un parrainage de 65 mille électeurs sur la base d’un fichier de 6,5 millions d’électeurs. Ainsi donc, du parrainage à partir des élus exigés à un certain niveau au plan numérique pour qu’un candidat indépendant puisse faire valider sa candidature au niveau du conseil constitutionnel, l’initiateur de cette révision constitutionnelle, en l’occurrence veut passer au parrainage citoyen. Explication de texte : « le parrainage élargi ou intégral ou encore citoyen est le fruit d’une réflexion ou d’une série d’idées destinées à faciliter le déroulement de tout scrutin au Sénégal plus précisément en ce qui concerne la prochaine présidentielle. Les leçons ont été tirées des législatives de 2017 et le parrainage citoyen qui a l’avantage d’être plus simple et plus démocratique que le premier c’est-à-dire celui basé sur les élus, va favoriser la réduction du nombre de candidatures sans crédibilité, sans fondement, ni idéologie, ni morale ». Du côté de l’opposition –dans sa frange la plus représentative en tout cas-, on n’a pas la même compréhension de réforme constitutionnelle et électorale. Nonobstant les nécessités reconnues et admises par le gouvernement, à savoir l’instauration d’une commission de validation et, la possibilité de recours pour toute candidature écartée, le parrainage élargi n’emporte pas l’adhésion de cette opposition qui soupçonne des « velléités d’élimination programmée des candidatures les plus crédibles ». D’ailleurs, il n’est pas sûr que même une mouture du projet de loi en question relookée, liftée voire améliorée puisse faire l’unanimité. Le fossé qui sépare les principaux protagonistes est trop béant. C’est dire qu’entre un pouvoir déterminé à « réduire le nombre de candidatures fantaisistes » et une opposition qui redoute le syndrome « Sarr » ou « Ndour »(en souvenir des candidats indépendants Abdourahmane Sarr et Youssou Ndour recalés en 2012 pour défaut de signatures), il existe désormais peu de place pour le dialogue politique. Va-t-on alors vers un passage en force ? La volonté exprimée et défendue par le camp au pouvoir devrait entrer rapidement dans sa phase de traduction concrète. D’ailleurs, la convocation du bureau de l’Assemblée Nationale dès la semaine prochaine, qui permet à la conférence des présidents de programmer le traitement du projet de loi, marque le compte à rebours de la modification des modalités de participation à la présidentielle de l’an prochain. Une majorité devant toujours servir à quelque chose –comme dirait l’autre-, on voit mal les élus de Benno Bokk Yaakar (BBY) s’opposer à cette réforme qui « constitue un progrès pour consolider la démocratie sénégalaise ». Dès lors, on peut présager que cette révision constitutionnelle annoncée, va se mener au pas de charge. Mais à quel prix ? Dans un contexte politique déjà lourdement chargé par l’absence de dialogue – un fait anormal dans une démocratie adulte-, l’introduction d’une modification constitutionnelle aussi importante pour valider les candidatures à la présidentielle de 2019, dont celle du porte-étendard de BBY, souffre d’un sérieux problème de timing. A dix mois d’un scrutin présidentiel, un changement non consensuel des règles du jeu n’est-il pas assez risqué ? Dispose-t-on de suffisamment d’outils pour authentifier les signatures des citoyens et garantir une comptabilité fiable aux candidats ? Quid de la composition de la commission de contrôle et de validation ? C’est autant d’interrogations auxquelles qui appellent des réponses convaincantes. Mais que l’on ne s’y méprenne guère ! Dans l’absolu, le système de parrainage n’est pas mauvais, il est même utile et salutaire, surtout rapporté à l’impérieuse nécessité de rationalisation de la vie politique et de déparasitage du système démocratique. La grosse pagaille consécutive à la pléthore de listes lors du scrutin du 30 juillet dernier est encore vivace dans les mémoires. Un vrai problème qui a semblé surprendre –un moment- mais auquel tout le monde s’attendait pourtant. Le nombre de partis politiques reconnus, près de trois(300) à ce jour, est passé par là. On l’aura certainement bien compris, on ne peut plus organiser au Sénégal, des élections de la manière avec laquelle se sont tenues les dernières législatives. Sur le principe, le parrainage citoyen ou populaire –s’il est bien encadré – peut être une avancée démocratique ; mais c’est au niveau de la modalité d’application que ça coince entre les acteurs du jeu politique. Sous ce rapport, l’appel de la Société Civile faite au gouvernement aux fins de « surseoir à l’examen du projet de loi portant sur le parrainage et, à l’opposition de suspendre toute manifestation en vue de créer les conditions d’un dialogue sincère et constructif autour des points de désaccord », mérite d’être accueillie favorablement par les parties en discorde. L’intérêt général du pays commande de souscrire à cette invite du Collectif des organisations de la Société Civile. L’heure doit être à la décrispation du climat politique pour ainsi donner place à la discussion. Aussi, la rationalisation de la vie politique ne pourrait-elle se résumer à l’institutionnalisation d’un système de parrainage des élections, fût-il citoyen. D’autres leviers peuvent être ainsi actionnés. Pourquoi n’imposerait –on pas aux partis politiques légalement constitués, la tenue régulière de congrès et autres rencontres statutaires, la participation régulière aux élections, notamment législatives et locales, l’existence d’un siège connu et reconnu etc. Quid de la matérialisation du statut du chef de l’opposition ? Quid de la mise en place d’un mécanisme de contrôle du financement des partis ? Autant de pistes de réflexion qui peuvent aider à dépolluer notre système démocratique.