Dans la Zone sylvo pastorale, notamment les départements de Linguère, Louga, Matam, Ranérou, Kanel, Podor, Malém Hoddar, Koungheul, Kaffrine et Koumpentoum , les premières pluies accompagnées de vents violents ont provoqué d’énormes dégâts sur le cheptel. Au recensement, des dizaines de milliers de têtes décimées (23.000 selon les chiffres officiels !) et, dont la majorité constituée par les petits ruminants (ovins, caprins) n’ont pas pu résister à la très forte baisse des températures consécutive à ces intempéries. Fait marquant aussi de cette calamité naturelle lourde de dommage pour les communautés pastorales, et particulièrement pour les petits éleveurs : une forte mortalité des femelles et des jeunes mâles. Cette situation difficile pour l’élevage, l’un des pôles-phares de l’économie a mobilisé l’attention des plus hautes autorités du pays. En effet, dés les premières heures du constat du sinistre, le ministère de l’Elevage et des Productions Animales(MEPA) a, en rapport avec les organisations professionnelles des éleveurs, les autorités administratives et territoriales, fait le point sur les pertes d’animaux enregistrées. Une célérité à saluer. C’est une bonne chose. Dans ce sillage, le Président de République himself s’est rendu sur l’un des sites les plus touchés, à savoir Bokki Dior, dans la commune de Ribot Escale, département de Koungheul (Kaffrine) pour s’enquérir de l’ampleur du désastre. Mieux, le Chef de l’Etat y a annoncé la mise à disposition d’une enveloppe d’un milliard de nos francs destinée à soulager les pertes recensées, à travers cette calamité naturelle. Une dépense publique qui sera certainement réglée, à travers le ‘Fonds de Calamité’ –si tant est que celui-ci est régulièrement alimenté-, doit-on comprendre par cette indemnisation, en l’absence de tout décret d’avance connu ou de toute autre dépense hors budget déclarée. Que l’on ne se méprenne guère sur notre propos, une indemnisation est toujours la bienvenue … pour un impacté, qui plus est un éleveur dont la subsistance repose essentiellement sur son troupeau. En tout cas, ce geste de compassion et de bienveillante sollicitude fut hautement apprécié par les communautés pastorales de manière générale et, particulièrement les éleveurs sinistrés. Ce qui est aussi, à bien des égards, une bonne chose.
Toutefois, à l’heure de la gestion du changement climatique, la situation de forte précarité et de vulnérabilité dans laquelle sont plongés les éleveurs depuis plusieurs années doit interpeller. Ceci, à travers une vision plus prospective dans la politique de développement de l’élevage, notamment extensif ou semi-extensif. A la vérité, il est apparu que le dommage consécutif aux premières intempéries –évoqué plus haut- relève plus de l’effet que de la cause. De quoi s’agit-il exactement ? En réalité, tous ces sujets tombés – comme d’ailleurs la plupart des survivants-, s’étaient fortement affaiblis avec la rareté des pâturages et l’accès difficile à la complémentation par l’aliment de bétail. Pourtant, dés le mois de février dernier, l’alerte était donnée via les vagues massives et rythmées de la transhumance et le renchérissement perceptible du coût des céréales et de l’aliment de bétail.
C’est connu depuis fort longtemps : l’une des principales difficultés auxquelles sont confrontés régulièrement les éleveurs dans la Zone sylvo pastorale, c’est la faible disponibilité des réserves fourragères après l’hivernage. Cette situation est d’autant plus stressante dans un environnement de variation et de changement climatiques traduisant par une faible charge des pâturages pour couvrir les besoins du cheptel d’une saison à l’autre. L’inter saison écoulée n’a pas dérogé à la tendance observée depuis des décennies ans le Ferlo où les éleveurs déploient des trésors d’imagination pour la sauvegarde du bétail. Entre décapitalisation et transhumance massive, ces derniers sont forcés de recourir à l’aliment de bétail concentré pour maintenir le bétail en survie. À travers les opérations de sauvegarde du bétail (OSB), l’Etat consent régulièrement des efforts importants pour soulager les petits éleveurs. Cette année, le gouvernement avait prévu de mener une OSB d’un coût de 300 millions de francs CFA. ‘’Nous aurons une OSB d’un montant assez réduit, 300 millions’’ de francs CFA, avait dit, la ministre de l’Elevage et des Productions animales, le 31 mai dernier, en marge d’un forum sur la filière lait, Mme la ministre de l’Elevage et des Productions Animales avait demandé aux organisations d’éleveurs d’utiliser les réserves des précédentes OSB pour nourrir le bétail. ‘’Je préfère qu’on utilise l’argent qu’il ya dans les comptes pour acheter de l’aliment de bétail’’, avait–elle lancé aux éleveurs qui l’interpellaient sur la forte concentration du bétail dans la région de Tambacounda, en raison de la rareté des pâturages dans d’autres régions.
Les organisations d’éleveurs ont-elles utilisé suffisamment les réserves des précédentes OSB pour nourrir le bétail ? Ces réserves ont –elles suffisantes pour répondre aux besoins ? Les échos de terrain vont plutôt dans le sens d’un large gap. Aujourd’hui, un constat s’impose : si les stratégies de prévention-gestion ont évolué, les dispositifs d’information peinent encore à établir des diagnostics qui rendent compte de la situation réelle des pasteurs et les outils de réponse restent limités (nature des réponses et modalités d’intervention). « Trop tard et trop peu » demeure souvent la principale appréciation portée par les éleveurs sur les réponses aux crises. Une chose est sûre, l’OSB est salutaire. Mais le pilotage de cette Initiative qui responsabilise les organisations faîtières n’en garantit pas pour autant son succés.La multiplicité de ces organisations dont la plupart est dirigée par d’inamovibles leaders plus préoccupés par leur positionnement que la promotion réelle ou l’autonomisation des petits éleveurs. Entre les mains de ces dirigeants, le Fonds Aliment de bétail constitue une redoutable arme. A Ribot Escale, si le Président de la République a incité les acteurs à renforcer la sensibilisation des populations pour une souscription massive à une police d’assurance dédiée au système d’élevage extensif, et à développer les cultures fourragères, pour éviter la rareté de l’aliment de bétail, il pensait certainement à ces organisations-leaders .Suivez notre regard ! Dans un contexte de déficit quasi permanent de pâturages, l’approvisionnement en aliment du bétail en particulier pour les différentes catégories d’éleveurs de ruminants devient une problématique centrale de la sécurisation et du développement durable de l’élevage. La bonne gestion des compléments alimentaires constitue un élément majeur de la réduction de la vulnérabilité des éleveurs et de leurs ménages. Mais il faut aller au-delà et épouser une vision holistique à long terme du développement de l’élevage, plus conforme au phénomène du changement climatique.
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