Le transfert de Cheikh Ahmadou Bamba à Diourbel en 1912, plaça le mouridisme devant une nouvelle sorte de défi. Depuis les années 1880, les déménagements, volontaires ou imposés de l’administration coloniale et l’aggravation des tensions politiques avaient empêché le guide des mourides de se concentrer sur des stratégies de conservation ou d’expansion de sa confrérie. Mais le mouridisme continue de s’étendre dans le monde.
L’histoire du mouridisme se conjugue au passé et au présent avec la ville sainte de Diourbel. Cette ville à occupé et continue d’occuper une place de choix dans la longue marche de Cheikh Ahmadou Bamba pour propager l’Islam. Transféré a Diourbel par l’administration coloniale, il y construit sa maison pour se concentrer sur ses charges religieuses.
La construction de Kër Gumak, la seule et unique maison qu’il a construite, est liée à l’expansion du mouridisme. » C’est le 14 janvier 1912 que le Cheikh est arrivé ici à Diourbel en provenance du Djoloff. Dans un premier temps, il a été mis en résidence surveillée dans la maison contiguë à l’école élémentaire Ibrahima Thioye » révélé Serigne Mbaye Nguirane, historien du mouridisme et grand conférencier.
Le professeur Cheikh Anta Babou de l’Université de Pennsylvanie explique: »Le déménagement de Cheikh Ahmadou Bamba vers la ville coloniale de Diourbel en1912, marque une étape importante dans les relations entre la mouridiya et l’administration coloniale. Pour la première fois depuis 1895, le guide des mourides était autorisé à revenir définitivement au Baol. Il était toujours assigné en résidence surveillée, mais sa présence dans son pays natal était moralement très encourageante pour les cheikhs et les disciples mourides ».
» Ahmadou Bamba compris aussi que son installation à Diourbel, inaugurait une nouvelle ère dans ses relations avec les Français. Il demanda et obtint l’autorisation de construire une maison.
La plupart de ses fils et filles allaient naître durant son séjour à Diourbel. Pour lui, la ville faisait cependant partie de la terre des infidèles, il aurait préféré retourner dans son cher village de Touba.
Pour Ahmadou Bamba, les contraintes liées à l’absence de liberté de mouvement étaient atténuées par le fait qu’il savait désormais la mouridiya capable de survivre à l’oppression et à l’ostracisme infligés par les Français et qu’il croyait à la possibilité de transmettre et de perpétuer l’héritage en tant que Cheikh et en tant que guide, fondateur d’une tariqa prospère » ajouté l’expert.
INSTALLATION A KËR GUMAK.
Ici plusieurs versions sont données, mais la plus usitée est la suivante: La femme du gouverneur à l’époque ne pouvait plus tolérer les chants et autres zikrillah.
« Lorsque le gouverneur Thévenot fit part au Cheikh de sa volonté de le déplacer vers Kër Gumak parce que sa femme était dérangée par les talibés mourides qui récitaient le Coran et chantaient les Xasaîds. Le Cheikh lui répondit qu’il fallait qu’il ait l’autorisation de son Seigneur.
La concession mesurait 313000 mètres carrés à l’époque. Le Cheikh dira au gouverneur, est ce que cette partie de la ville que tu veux m’offrir t’appartient ? La réponse fut non.
Sur ces entrefaites, il demanda à ce qu’on fasse venir le propriétaire pour qu’il lui dise la prix de la parcelle dénommée « Bay Dee ». C’est le dimanche 16 janvier 1914 qu’il obtint son titre foncier. Il instruit Cheikh Ibra Fall d’y édifier trois maison, une dédiée à Dieu où il priait, une au prophète et une autre réservée au grand public.
Dans chaque maison il y avait trois cent treize (313) personnes, 313 canaris et 313 abris en souvenir aux partisans du prophète. Parmi les 313 personnes on retrouvait tous les corps ».
C’est en1913 que Cheikh Ahmadou Bamba a rejoint sa demeure. Il donnera à sa nouvelle concession le nom d’Albuqahat Al Mubarakati ou Al Mubaraka. Il y est resté pendant quinze (15) ans, la plus longue période qu’il a passée dans cette ville jusqu’en 1927 année de son rappel à Dieu.