Avec une dextérité remarquable, le célèbre koriste mandingue de Saint-Louis, Ablaye Cissokho, continue d’enflammer les grandes soirées, les manifestations culturelles de grande envergure qui figurent dans l’agenda culturel de la capitale du Nord. C’est un koriste de gros calibre qui anime partout à travers le monde des concerts qui permettent de mieux vendre la destination Sénégal. C’est aussi un adepte de « l’enracinement et de l’ouverture »…..
Monsieur Cissoko, vous avez mis l’année dernière sur le marché un album intitulé « Mes racines » pourquoi ce retour à la tradition ? N’avez- vous pas peur de voir votre héritage altéré par vos voyages et rencontres?
Ablaye :
Je ne veux pas être atteint du syndrome de l’héritier, c’est-à-dire vivre de la tradition sans lui imprimer les acquis de mes pérégrinations. Le patrimoine doit certes être préservé mais aussi enrichi.
La conversation enrichit, elle n’altère pas. Des racines saines figent l’arbre plus solidement. Je n’interprète pas la tradition, je m’en sers comme outil, comme une mine inépuisable et j’essaie de donner une vie nouvelle au minerai extrait.
C’est mon ambition affichée avec la sortie de « mes racines ».
Mais au fait, d’où proviennent ces racines?
Ablaye :
Dans notre concession, la musique rythme toutes les actions de la vie, en pilant le mil, en donnant le sein à l’enfant, en préparant les repas, les femmes chantent. Le bébé écoute la musique et les chansons traditionnelles déjà dans le ventre de sa mère. Les cérémonies traditionnelles (mariages, baptême), les fêtes (Korité, tabaski, etc.) ont toujours été des moments pour rivaliser d’adresse dans la maîtrise des instruments traditionnels. Je suis né, j’ai grandi dans cette ambiance où la musique et le chant ont bercé mon existence. J’ai hérité de mon père qui lui-même a reçu généreusement du sien, c’est ainsi que s’installe l’initiation à la Kora et aux techniques qu’il faut absolument maîtriser pour chanter correctement. Les hommes et les femmes participent équitablement à la transmission, du savoir-faire.
On a senti un peu plus de joie dans cet album contrairement à ce que Joe Zawinul disait « La kora de ce garçon pleure… ». Comment expliquez- vous ce changement ?
Ablaye :
La ville de Saint-Louis m’a donné une opportunité d’aller à la rencontre de l’international, elle m’a donné une charmante épouse et de beaux enfants. J’ai été orphelin très jeune, c’est ce qui explique certainement ce sentiment de tristesse remarqué par le très généreux Joe Zawinul.Aujourd’hui, je chante un peu plus, ma musique est un peu plus gaie, elle reflète tantôt le bonheur d’un père aimant tantôt les angoisses d’un patriarche soucieux du devenir de ses enfants. C’est angoissant d’être père mais quel bonheur de voir ses enfants grandir. Ces sensations contradictoires déterminent l’orientation de mes inspirations du moment.L’environnement dans lequel nous baignons envahit notre musique.
Est– ce qu’on peut dire que le Festival de jazz a joué un rôle dans votre musique ?
Ablaye :
Le festival Saint-Louis Jazz m’a permis d’une part de mesurer les contraintes de la scène internationale et d’autre part de rencontrer des artistes au talent immense avec qui j’ai évolué étant très jeune. C’est une opportunité que devront saisir tous les musiciens de Saint-Louis. J’y ai rencontré et joué avec de grands artistes qui m’ont ouvert leur cœur. Oui on peut affirmer que le festival de jazz de Saint-Louis a fortement influencé le cours de ma carrière musicale. Propos recueillis par Mbagnick Kharachi Diagne/Chroniques.sn
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