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Enfants Talibés : notre lâcheté retrouvée ! (Par Koffi Ba).

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Lilian Thuram, en visite au Sénégal, disait sur un plateau de télévision de la place qu’il n’arrivait pas se faire à l’idée qu’un pays ayant à sa porte, Gorée comme mémoire vive d’un passé douloureux fait d’humiliations et de souffrances inhumaines imposées par des envahisseurs ; qu’un tel pays puisse s’infliger la même violence elle-même à travers le traitement fait aux Talibés ou enfants de la rue en général.  Ce ressenti de l’ancien international français originaire de la Guadeloupe reconverti en défenseur de causes justes, résume tout le malaise et les contradictions de notre société, et nous ramène à notre conscience collective de Sénégalais perdus entre tradition et modernisme, entre religion et république, et surtout entre ignorance et hypocrisie.  Et comme disait Mandela, « Dans la vie, on a toujours le choix : aimer ou détester, assumer ou fuir, avouer ou mentir, être soi-même ou faire semblant ».  Que choisissons nous ?
La découverte récente d’enfants enchaînés dans un daara à Coki, même si cela n’est pas une première, a fini de nous convaincre que la politique de l’autruche dans laquelle tout un peuple s’est enfoui, n’est rien d’autre qu’une lâcheté collective dont nous devons assumer les conséquences.  C’est une posture complice tout comme celle de l’étudiant Césaire qui s’était distancé dans le tramway à Paris, d’un « nègre hideux, grand comme un pongo » qu’il trouvait « comique et laid »[1] ; et ce faisant il affichait son appartenance complice à la partie blanche des passagers dont il s’identifiait.  Le choix de l’étudiant était clair à cette époque et il ne s’est jamais pardonné cette lâcheté complice qu’il a su vomir à travers l’écriture, comme un appel à l’authenticité et à la responsabilité.
Aujourd’hui, à l’heure où le verdict sur l’affaire des enfants enchaînés du daara de Coki est tombé, octroyant la liberté provisoire au maître coranique, au ferrailleur qui avait fabriqué ces chaines de la honte, ainsi qu’aux parents des victimes, le constat est clair : l’Etat a reculé.  Il n’a pas suivi le procureur dans sa demande de condamnation à 2 ans dont deux mois ferme pour l’auteur du forfait.  Les maîtres coraniques de Louga venus en soutien à un des leurs, avaient fini par saccager le tribunal faisant des blessés et des dégâts matériels en réclamant l’acquittement du bourreau.
Quel pied de nez !  Les faits se passent dans la semaine qui suit la journée internationale des droits de l’enfant qui est la date anniversaire de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, et dont le Sénégal se targue d’être un des signataires.  Il est temps que notre pays fasse un choix sur la cause des enfants et qu’il l’assume.  Ce choix ne saurait être sincère et pérenne que s’il découle de notre propre introspection en tant que nation et de notre aptitude à sortir de l’émotion et à adopter une posture de raison. Que neuf talibés entassés dans une pièce d’un appartement de la Medina meurent dans un incendie en mars 2013, ou qu’un maitre coranique bat à mort un jeune apprenant (ex: juin 2016 aux Parcelles Assainies ; février 2019 à Saint Louis ; avril 2019 à Malicounda), ou encore que des enfants soient découverts enchaînés dans un daara à Coki -sans compter la scène banalisée des talibés dans les rues de nos villes, et l’exploitation financière et sexuelle qu’ils subissent- tout cela ne provoque aucune réaction au-delà de l’émotion et l’indignation du moment.  Cela révèle une crise profonde de notre société et l’échec de nos politiques sur la question de la prise en charge des enfants.  Un Etat qui n’est pas capable de protéger ses enfants – espoirs de demain – en s’assurant que leurs droits fondamentaux sont respectés, n’est pas digne de la confiance du peuple.

En effet, c’est de la protection des droits des enfants qu’il s’agit, et donc de sécurité humaine dont la promotion et l’exécution requièrent une volonté réelle du détenteur du monopole de l’usage de la force légitime, de bâtir un état de droit basé sur la justice et équité.  Actualité oblige, voici un rappel des quatre principes de base de la convention relative aux droits de l’enfant : la non-discrimination ; la priorité donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant ; le droit de vivre, de survivre et de se développer ; le respect des opinions de l’enfant.

Par conséquent, la question primordiale n’est ni religieuse, ni éducationnelle.  Elle est sécuritaire d’abord.  La résolution du problème des talibés viendra de notre capacité à collectivement changer nos mentalités et notre manière d’agir en évitant de prendre pour offense toute critique des daaras, fusse-t-elle positive.  En d’autres temps, l’indignation était grande pour ceux et celles qui ont fait l’école primaire catholique où la sanction ou correction était tant corporelle que morale avec au-delà de la cravache, multiples formes de ridiculisation publique des élèves classaient en queue de peloton.  Il était coutume de voir les meilleurs élèves assis devant et les cancres au fond de la classe ou ils resteront malheureusement toute l’année durant.  Ces modèles ont brisé les espoirs de générations d’élèves qui ne demandaient parfois qu’à avoir une seconde chance.  Ces comportements et méthodes d’éducation d’une époque révolue sont tout aussi condamnables. La modernisation des daaras tout comme celle de l’école, entre dans le cadre de l’Education – grand « e » que nos pouvoirs publics doivent adapter à nos aspirations et à notre ère qui est celle de la globalisation où le maître traditionnel n’a plus l’apanage de la connaissance.  Si l’objectif est « l’école pour tous » et « la couverture universelle », tout lieu et toute forme d’apprentissage pour enfants devrait être pris en compte.

Il est temps que le Sénégal sorte de sa léthargie et assume son hybridité entre tradition et modernisme pour se donner des chances de réussir sa transition vers l’émergence.  Cela ne se fera pas sans Education et certainement pas en dehors du cadre d’un état de droit.  Il faut investir donc dans l’Education de base mais aussi, Éduquer le peuple.  A ceux et celles qui pensent qu’il ne peut se passer un jour sans « sarakh » (faire l’aumône) sous le ciel sénégalais, il faut rappeler que l’aumône peut être organisée et parvenir aux plus nécessiteux, si toutefois notre Etat adoptait la pédagogie senghorienne de l’organisation et de la méthode, en dehors de tout caractère religieux.

Notre objectif commun doit être de protéger tous nos enfants.  Et les protéger c’est leur préparer un avenir dans lequel ils pourront s’épanouir ; c’est leur donner les outils pour se battre dans le monde de demain qui sera impitoyable aux plus faibles ; et c’est surtout pour la République dont nous nous réclamons, de faire un choix clair entre « être soi-même, ou faire semblant ».

Koffi Ba

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Retour en zone, après 5 années + 2! (Par Djibril SARR).

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Au basket c’est une faute. Lorsqu’on revient dans sa zone, quelle que puisse être la durée. 

S’il y’a ce rappel dans un contexte plutôt CAN et non d’Afrobasket, c’est parce que nous en arrivons au terme d’une longue quinzaine de réconciliation entre la plupart des élus et leurs collectivités respectives. Quinze jours pendant lesquels vous avez quotidiennement vu vos élus. 

Pourtant, il y’a plus de cinq années passées plus deux bonus, la plupart s’était battu pour le fauteuil de maire ou de président de conseil départemental, avant de déserter ces localités lointaines, au profit d’un cumul exagéré et illogique d’emplois inaccessibles à une bonne partie d’une jeunesse en quête d’occupation.

Il y’a deux semaines déjà que sonnait l’heure de retour en zone. Une occasion pour ces collectivités orphelines de retrouver au quotidien pendant 2 semaines, les sourires charmeurs de leurs élus perdus de vue et qu’ils n’apercevaient par chance, que pendant leur passage le temps d’un week-end. 

Pour nous autres populations, la vigilance et l’éveil des consciences nous dictent un choix responsable où aussi bien les nouveaux candidats que les performants parmi les anciens ont leur chance à jouer. 

Donnons l’opportunité à ceux qui ont un programme clair, la capacité, la détermination, la maturité et le temps, de dérouler leur mission. Faisons attention aux marchands d’illusions mais également aux arrogants, aux irresponsables, aux belliqueux et aux incendiaires.

Nos choix doivent être éclairés, argumentés et raisonnables.

Dans certaines contrées desservies par les politiques publiques, n’attendons surtout pas que l’insécurité, l’obscurité, la faible scolarisation, la précarité sanitaire, les inondations, l’absence d’assainissement, les moustiques, entre autres,  viennent nous rappeler notre mauvais choix. 

Ne confondons ni religion, ni confrérie, ni coloration politique, ni lien familial avec le choix utile à la localité.

Cultivons le travail, la rigueur, la persévérance, l’endurance, la simplicité, la responsabilité, le sens de la mesure, l’humilité, l’acceptation, pour savoir compter sur nous-mêmes dans les conditions que nous réserve le destin, le hasard ou Dieu selon nos croyances.

Ne troquons pas notre devoir d’exiger des résultats à nos élus dans l’amélioration de notre qualité de vie à travers des équipements et des services collectifs contre un simple soutien financier aux cérémonies socio-culturelles, sportives et religieuses. 

Changeons de paradigmes en portant nos choix sur des compétences éclairées et engagées, sans les soumettre au prix de leur intimité, d’invectives et de violence familiales. 

Exigeons en revanche, des résultats qui ne sauraient provenir que d’une bonne planification, une réalisation correcte, un suivi régulier, un contrôle rigoureux et une amélioration continue, soutenus par une communication inclusive.

Que le vote de ce dimanche 23 janvier 2022 traduise nos choix libres des personnes en charge de la destinée de nos collectivités respectives.

Qu’il se déroule dans la paix et le fair-play, pour une reprise en main dès le lendemain, des dossiers en souffrance par le simple fait de cette période de retour en zone, de personnalités indivisibles à  responsabilités plurielles en quête de base solide capable de leur garantir une longévité improbable dans nos instances de gouvernance. Nos plans de développement doivent être traduits en plans d’actions qui survient aux hommes qui les portent.

Djibril SARR

CEO SECURIZONS

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Plaidoyer pour les habitants de Keur Massar et des populations sous les eaux (par Alioune Badara Seck)

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La pandémie liée à la Covid 19 et les inondations dans la banlieue de Dakar en Septembre 2020, avaient fait vivre le martyre aux populations notamment celles de Keur Massar.

Suite à cette période vécue avec de grandes difficultés par les populations et les promesses fermes de l’État du Sénégal à travers ses représentants que le supplice jadis traversé par les habitants de la banlieue ne se réitérerait plus, l’espoir semblait être permis pour cet hivernage 2021.

Hélas, dès les premières gouttes de pluie, tous les espoirs s’évaporèrent et laissèrent place aux inondations habituelles et à leurs lots de souffrances.

Le spectacle désolant des femmes désemparées et des pères de famille réduits à l’impuissance devant la montée des eaux déferlantes est une atteinte à la dignité humaine.
Des autorités responsables auraient pris toutes les dispositions nécessaires afin que pareille calamité ne se répète plus.

Nul ne peut comprendre qu’un tel calvaire se soit produit l’année précédente après les pluies du 5 et 6 septembre 2020 et que onze mois plus tard, l’on se retrouve avec le même désolant spectacle de maisons et de routes envahies par les eaux, de familles déplacées, de milliers d’hommes et de femmes mis dans la précarité.

La responsabilité des autorités du Sénégal est engagée au premier chef et les habitants de Keur Massar et de la banlieue exigent des réponses.
Les populations exigent une réponse immédiate de l’Etat du Sénégal combinée à la mise en place d’une solution structurelle qui réglera définitivement le problème des inondations. La souffrance n’a que trop duré.

L’Etat doit en urgence :

1. doter tous les quartiers sous les eaux de pompes de grande capacité et en quantité suffisante pour rapidement évacuer les eaux de pluie. La saison des pluies n’a pas encore pris fin.

2. assister toutes les familles sous les eaux ainsi que les familles déplacées et qui font face à d’énormes difficultés matérielles et financières pour assurer leur survie quotidienne. Mettre un place un plan d’urgence d’assistance des familles.

3. finaliser le plus rapidement possible les interconnexions entre les bassins et fournir des délais précis de réalisation. Sans quoi des bassins construits isolément ne peuvent régler le problème d’évacuation des eaux.

4. associer les délégués et représentants des quartiers de Keur Massar au suivi et contrôle des travaux. Il n’est pas crédible de vouloir régler le problème de Keur Massar et de la banlieue en excluant du processus les populations et leurs représentants.

Avec tous les milliards dépensés dans le cadre du programme décennal de lutte contre les inondations, notamment dans sa composante PROGEP (Projet de Gestion des Eaux Pluviales), les habitants de la localité n’attendent pas moins de l’État du Sénégal.

Alioune Badara Seck

Syndicaliste

Leader de la coalition Taxawu Keur Massar Jotna

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HISSEIN HABRÉ VA EN PAIX : UN NOM, UN HOMME ET UN DESTIN (Par Brahim OGUELEMI )

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C’est avec le cœur lourd et la gorge nouée que nous venons d’apprendre le décès ce matin de l’ancien Président du Tchad Hisseine Habré, décès survenu à la suite d’une contamination de Covid-19. En ces instants sombres et troubles, nous présentons nos condoléances les plus attristées et les plus émues à sa famille nucléaire, à ses proches, à ses connaissances, au peuple Tchadien et au peuple Africain tout entier !
Mais quel héritage l’homme aura-t-il légué à la postérité ? 
L’histoire retiendra à jamais que le Président Hissein Habré fut celui qui aura sauvé la bande d’aouzou contre l’occupation libyenne de Kadhafi. Par-là même, il aura ainsi sauvé tous les pays limitrophes du Tchad contre la folie démentielle de Kadhafi. Le Président Camerounais Paul Biya s’était même confessé auprès du Président Habré au lendemain de la libération du Tchad en lui ayant dit en substances que : «  Mon frère, tu nous a sauvés. Sans toi Kadhafi aurait annexé et marché sur tous les pays limitrophes du Tchad ».
Hissein Habré c’est aussi celui qui aura refusé de brader les ressources naturelles du Tchad au profit du consortium des firmes multinationales occidentales. Il aura tenu simultanément et parallèlement tête à l’invasion libyenne, à l’impérialisme, au néocolonialisme et à la finance internationale mondialisée ainsi qu’à leurs valets locaux. Son caractère était foncièrement forgé et tempéré dans le fer ardent de la lutte et de son corollaire la résistance.
Pour son patriotisme et pour son nationalisme, le Président Habré fut seul contre le reste du monde dans un monde où de plus en plus les dirigeants du Sud s’aplatissent si facilement face aux injonctions politiques et économiques injustes du Nord au grand dam des intérêts vitaux et stratégiques des populations du Sud.
C’était dans un contexte où l’Occident employant tous ses moyens stratégiques et ses armadas et en cela épaulé par la Libye, le Soudan et les négres de maison que le Président Hissein Habré était parti en ayant préféré laisser le Tchad dans une situation relativement stable. Aujourd’hui 31 ans plus tard, il est rappelé vers son Seigneur. Mais il est rappelé vers son Seigneur en ayant toujours gardé tenaces sa fierté, sa conscience patriotique et son amour-propre pour n’avoir point servi le Tchad sur un plateau d’argent à ses ennemis et notamment aux prédateurs financiers et économiques du pays.
Donc, au regard de toutes ces raisons susmentionnées, nous pouvons tirer les légitimes et objectives considérations suivantes sur l’homme : il fut intègre et incorruptible, digne et fier, patriote et nationaliste, courageux et téméraire, travailleur et exigeant, instruit et cultivé, héros et libérateur, résistant et vainqueur. L’homme n’aura pas, pour ainsi dire, vécu inutilement. Il y’a apporté, considérablement, sa part de lumière sur la grande phare qui éclaire la longue marche de ce monde.
L’homme est parti mais son combat, sa lutte et ses œuvres demeureront à jamais dans la postérité. La jeunesse Tchadienne en particulier et celle Africaine en général, auront tout à gagner à s’inscrivant dans la dynamique du noble sentier de la résistance et de pouvoir ainsi vaincre la couleuvre tentaculaire qu’est la Françafrique qui n’a semé et qui continue toujours de semer mort, désolation, tristesse, chaos, pillage, vol, humiliation et bradage sur le continent africain depuis le début des années 60.
LA LUTTE CONTINUE ! LE COMBAT CONTINU !LES PATRIOTES TCHADIENS VAINCRONT !LES PATRIOTES AFRICAINS VAINCRONT !
HISSEIN HABRÉ VA EN PAIX !QUE LE PARADIS SOIT VOTRE DEMEURE ÉTERNELLE !
Brahim Oguelemi, Dakar le 24 août 2021, depuis l’hôpital principal.

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