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CONSEQUENCES DU CONFLIT ARME EN CASAMANCE Les enfants, victimes innocentes de la rébellion
Publié il y'a
7 ans ..Date :
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Mamadou diagaLes armes lourdes ou légères avec leur cohorte de victimes sont les conséquences visibles, et palpables que les gens ont l’habitude de citer dans la rébellion casamançaise. Mais, il y a d’autres conséquences non moins importantes qui touchent et poursuivent jusqu’à présent les enfants qui sont nés aux moments sombres de ce conflit. Elles ont pour noms : la déscolarisation des centaines d’enfants liée aux déplacements des familles, ou au manque de pièces d’état civil, la problématique des enfants en situation difficile. Et enfin les pupilles de la nation dont leur sort est directement lié au conflit armé. et enfin, la prostitution et la mendicité.
Leur seul tord, c’est d’être nés en Casamance durant les moments difficiles de la crise. Aujourd’hui, ces enfants, dont la majeure partie a soufflé la trentaine, continuent de souffrir les conséquences « néfastes » de ce conflit casamançais. Qui peuvent les suivre jusqu’à la fin de leur vie.
Dans les zones dites non man’s land, « les enfants, depuis leur naissance n’ont jamais connu les délices de la vie sur terre », témoigne un habitant de Djibidione, un village qui a payé un lourd tribut durant ce conflit. Et notre interlocuteur, lui-même victime de la rébellion de révéler, « certains enfants issus de nombreux villages sont apatrides. Leurs parents qui avaient trouvé refuge dans les pays à savoir la Gambie ou la Guinée n’avaient eu le temps de bien s’occuper de l’état civil de leurs enfants. Aujourd’hui, ils sont confrontés à ce problème de pièces d’état civil. Une situation qui pose beaucoup de problèmes surtout dans le maintien de ces enfants à l’école. Qui , avant de franchir le cycle primaire, sont souvent exclus pour faute d’extraits de naissance », témoigne notre interlocuteur.
Pour Lamine Sonko, enseignant et père de famille, le conflit casamançais a causé beaucoup de tord, surtout dans le domaine de l’état civil. A l’entendre, beaucoup d’enfants dont leurs parents avaient quitté leurs villages, une fois de retour « ont connu pas mal de problèmes pour se faire une pièce d’état civil. D’autres, ont vu leurs diplômes annulés à cause de la fraude ».
Aujourd’hui, reconverti en conducteur de moto jakarta dans les artères de la ville de Ziguinchor, Michel Diatta narre son calvaire.
« J’ai été jusqu’en troisième collège, mais un problème d’extrait de naissance a fait que je n’ai pas pu continuer mes études. Je me suis procuré de faux papiers que j’ai obtenus par l’entremise d’un cousin qui travaille dans une collectivité territorial moyennant une somme d’argent », raconte Michel le visage triste, perlé de sueur.
Dans plusieurs localités de la région de Ziguinchor, le cursus scolaire des enfants est nettement stoppé parce qu’ils ne disposent pas d’extraits de naissance. Une situation qui découle selon bon nombre de personnes de la négligence des parents. À cause de l’atrocité des affrontements entre les protagonistes du conflit, ils n’avaient pas pris les précautions nécessaires pour trouver des extraits de naissance à leurs enfants n’étaient pas déclarés dés leur naissance.
« Nous pensions à sauver nos têtes et les enfants eux-mêmes. Nous n’avons jamais pensé que le séjour dans le pays d’accueil, à savoir la Gambie va ainsi durer et prendre beaucoup d’années », assure Alpha M. Sané, dont ses deux fils ont quitté l’école faute de papiers.
Dans plusieurs localités touchées par la rébellion, le problème de pièces d’état civil se pose avec acuité après le retour au bercail des familles. Car, plusieurs enfants sont nés hors du Sénégal.
Ousmane Sanding : premier adjoint au maire de Boutoupa camaracounda
« Les pièces d’état civil constituent un problème crucial pour notre commune »
Le village de Camaracounda a été presque rayé de la carte. Car, les populations avaient fui les combats atroces entre l’armée et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance(Mfdc).
Aujourd’hui, de retour au bercail, ces populations dont certains de leurs fils ou filles sont nées hors du pays, sont confrontées à de sérieux problèmes pour obtenir des papiers qui leur font des citoyens sénégalais.
« Certains sont devenus des apatrides pendant des années avant d’obtenir un extrait de naissance par le biais des audiences foraines », nous signale Ousmane Sanding.
« Dans notre commune, il y a beaucoup d’enfants qui ‘ont pas de pièces d’état civil. Cette situation est liée au conflit armé qui sévissait dans la localité. Les populations avaient quitté les villages pour aller en Guinée, ou en Gambie. Ce qui a fait que les enfants qui y sont nés, n’ont pas été déclarés. Durant le conflit, le siège même de l’état civil était à Niaguisse. C’était très difficile pour les populations de s’y rendre. A cause, des braquages, et des mines qui sont posées tout au long de la route », explique le premier adjoint au maire de Boutoupa Camaracounda. Qui souligne que des efforts sont entrain d’être faits depuis quelques temps pour mettre un terme à ce problème de pièces d’état civil.
Outre, le problème des pièces d’état, d’autres événements non moins importants qui ont changé du jour du lendemain la vie des milliers d’enfants à travers le pays. Le naufrage du bateau le joola, lié « directement » à la rébellion.
Selon le président de l’Association nationale des familles des victimes et rescapés du joola, la rébellion casamançaise est à l’origine du naufrage du joola.
« C’est à la suite aux nombreux braquages notés quotidiennement sur l’axe Bignona Sénoba, que les gens se ruaient vers le bateau, car le route n’était pas sure. C’est ainsi qu’il y avait une surcharge du bateau, la catastrophe est survenue », explique Moussa Cissokho.
Une situation, d’après M. Cissokho qui a poussé les autorités à mettre sur pied un cadre pour la prise en charge des orphelins, autrement dit, « les pupilles de la nation ».
« La situation de ces pupilles de la nation est directement lié à la crise casamançaise. Personne ne peut le nier », persiste et signe Moussa Cissokho, président de l’Association nationale des familles des victimes et rescapés du joola.
Problématique du maintien des enfants à l’école et la prostitution
Ce sont deux conséquences que les gens oublient souvent d’évoquer. La promiscuité des lieux d’hébergement des familles en fuite, la pauvreté et la misère font que beaucoup de ces enfants ont abandonné leur cursus scolaire. Et d’autres qui ne peuvent pas résister à cette vie difficile, se sont lancées dans la prostitution.
« C’est une question de survie », nous balance une jeune fille. Préférant parler sous couvert de l’anonymat, elle poursuit, « dans les familles c’est très difficile. Nonobstant la volonté des parents de nous accueillir, les conditions ne sont pas réunies. Souvent, c’est un seul repas qui est assuré. Le soir chacun pour soi Dieu pour tous. Chacun se débrouille pour trouver de quoi mettre sous la dent », laisse entendre notre interlocutrice. Qui, e, colère, déclare qu’elle ne « pardonnera jamais à ceux ou celles qui sont à l’origine de leur sort, la rébellion ». « Je suis née dans la rébellion, j’y ai grandi, et toujours je continue de vivre ses conséquences. Je ne peux plus retourner chez moi, où il y a tout. Je mangeais à ma faim. Mais ici, à Ziguinchor, c’est tout à fait le contraire qui se produit », peste notre interlocutrice, nostalgique, le visage perlé de larmes.
La mendicité, un nouveau fléau
La mendicité est un nouveau comportement presque inconnu des casamançais il y a plus d’une quarantaine d’années. « En Casamance, avant l’avènement de la crise, les populations ne savaient pas tendre la main », assure Fakeba Sané, la soixantaine bien épanouie.
Mais aujourd’hui, déplore t il, « on ne voit que des enfants dont la moyenne d’âge est de quinze ans qui errent dans les rues en mendiant. Ces enfants sont issus des familles très pauvres. Une pauvreté causée parfois par la crise. Elles ont tous perdu dans ce conflit. Beaucoup d’enfants ont perdu leurs parents, qui étaient leurs seuls soutiens. Non sans citer le naufrage du joola qui a accentué la souffrance de la plus part de ces enfants, qui sont des orphelins. Et cette situation découle inéluctablement de la crise qui sévissait dans cette partie méridionale du Sénégal », déplore notre interlocuteur, enseignant à la retraite.
Mamadou Lamine SAGNA (ziguinchor)