« La question du rapatriement
(ndlr : des 13 étudiants qui se trouvent à Wuhan dans la province de Hubei
en Chine) n’est pas simple et le Sénégal n’a pas les
moyens de les faire rentrer et de les prendre en charge en toute sécurité.
Même les grands pays qui ont pu faire des rapatriements l’ont fait avec
beaucoup de difficultés.
Cela requiert une logistique tout à fait hors de portée du Sénégal. Il
faut des avions spéciaux qui puissent aller sur place, il faut du personnel, ce
ne sont pas des compagnies aériennes mais des appareils militaires. Lorsque ces
personnes reviennent, il faut pouvoir les mettre en quarantaine dans un lieu
équipé en conséquence, ce qui n’est pas encore le cas pour le moment de notre
pays et des pays africains », a-t-il
déblatéré sur la situation qui prévaut en Chine le lundi 3 février à Dakar en
marge de la cérémonie de levée des couleurs au palais présidentiel.
Une telle déclaration, synonyme d’aveu d’impuissance, qui secrète une profonde
violence discursive, a fait l’effet d’une bombe en semant le désarroi chez les
étudiants pris en otage à Wuhan à 12 790 km de Dakar, chez leurs familles
respectives et chez tous leurs compatriotes d’ici et de la diaspora. En le
martelant de façon aussi péremptoire, il ne savait pas que, ce même jour du 3
février, Air Algérie en provenance de Wuhan, avec à son bord 36 Algériens, 10
Tunisiens et 24 Mauritaniens et Libyens suivis par une équipe médicale dirigée
par deux femmes infectiologues et un infirmier spécialisé, atterrissaient à
l’aéroport Houari-Boumediene d’Alger. Et dès leur arrivée à l’aéroport Houari
Boumedienne d’Alger, tous les ressortissants rapatriés ont été accueillis et
pris en charge par un staff qui les a acheminés à l’hôpital d’El Kettar pour un
suivi médical spécial.
Donc c’est une contrevérité que de dire que les pays africains n’ont pas l’expertise et la technologie médicale appropriée pour rapatrier nos compatriotes qui sont en otage dans l’enfer pandémique de Wuhan. L’Algérie n’a pas utilisé un appareil militaire mais un avion civil pour rapatrier ses ressortissants. Le Canada a, lui, affrété un Airbus A330 auprès de la compagnie aérienne charter « Hi Fly Malta » transportant Canadiens rapatriés de la ville chinoise de Wuhan pour rapatrier ses 176 ressortissants. L’argument financier n’est pas soutenable pour dire que notre pays ne peut pas rapatrier ses fils bloqués à Wuhan puisqu’un airbus nolisé couterait moins de 100 millions de francs CFA à raison 10 mille dollars chaque heure de route.
Si l’argument financier n’est pas rédhibitoire pour ramener les enfants au pays, le prétexte médical nous paraît encore léger d’autant que l’Union africaine a choisi l’Institut Pasteur de Dakar pour organiser la riposte contre le 2019-nCoV. Sinon tout le dispositif préventif mis en amont à l’aéroport Blaise Diagne n’est qu’un tape-à-l’œil si notre corps médical mobilisé ne peut pas en aval riposter contre le coronavirus. Pendant trois jours, quinze laboratoires de divers pays africains à savoir du Maghreb (Egypte, Maroc, Tunisie), de l’Afrique de l’Est (Ethiopie, Kenya, Ouganda), de l’Afrique centrale (Cameroun, Gabon, République démocratique du Congo), de l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Nigeria, Sénégal) et de l’Afrique australe (Zambie), ont séjourné dans la capitale sénégalaise pour un atelier de formation continental contre le 2019-nCoV.
C’est donc dire que notre pays ne doit rien envier à l’Algérie qui a convoyé avec ses moyens financiers et médicaux et suivi avec succès ses ressortissants. Le seul obstacle qui puisse se dresser contre le rapatriement, c’est l’argument technique. Étant donné que la distance Dakar et Wuhan est de 12 790,31 km, le temps de vol sera approximativement de 15h 32 min. Ainsi, le temps de l’avion ne pouvant pas excéder 10 heures dans une amplitude de 14 heures, des problèmes peuvent surgir à ce niveau d’autant qu’aucun pays ne voudra nous accorder une escale compte tenu des craintes de propagation éventuelle du virus.
Si après son aveu
d’impuissance, les familles des Sénégalais de Wuhan sont sorties hors de leurs
gonds pour déverser leur bile sur le président Macky Sall, c’est parce qu’ils
ont ressenti le manque d’empathie qui a émané de sa communication
catastrophique, voire irresponsable. Le talon d’Achille du régime de Macky
Sall, c’est la faillite de sa communication. Combien de fois le président
a-t-il lui-même déploré l’absence d’une communication qui mettrait en lumière ses
réalisations ? Si les Sénégalais se plaignent itérativement de la nullité
notoire de Ndèye Tické Ndiaye, ministre de l’Economie numérique et des
Télécommunications et porte-parole du gouvernement, c’est parce que cette
dernière, les rares fois qu’elle ouvre la bouche pour communiquer, virent au
désastre.
Toute crise entraîne des
réactions émotionnelles diversifiées (désarroi, anxiété, psychose ou panique)
chez les premiers concernés. C’est pourquoi, en temps de crise, le président
doit mettre en œuvre toutes ses compétences et son savoir-faire pour rasséréner
ses compatriotes en difficulté et être aux avant-postes dans la recherche des
solutions. En cette période d’incertitude et de désarroi, les Sénégalais en
difficulté dans l’enfer chinois ont plus besoin d’un président qui a
plus d’attention et d’empathie que d’une déclaration tonitruante kafkaïenne.
Ainsi, Macky Sall qui demeure le seul référent dans cette psychose, doit rester
calme, avoir le sens de l’organisation et éviter d’alimenter un climat d’impuissance
ou faire preuve de démission. Même s’il était avéré que le gouvernement ne peut
pas dans ces conditions ramener au pays ses enfants, il fallait procéder d’une
manière qui conscientisât les parents sur les difficultés de rapatriement, mais
qui aussi les rassurât des initiatives prises par l’État pour trouver une
solution au problème en question.
Quand on veut gérer une crise, il faut savoir prendre les bonnes décisions au
moment approprié en manageant avec intelligence et humanisme ses compatriotes
en situation difficile. Ce qui n’est malheureusement pas le cas avec le
président Macky Sall qui se plait et se complait très souvent dans des
positions radicales qui choquent ses compatriotes.