C’est un calme plat et olympien qui règne depuis hier dans la capitale du Nord, à l’occasion de la célébration de l’Aïd El Fitre. Du fait de l’Etat-d’urgence, du Couvre-feu, de la propagation de la pandémie du Coronavirus, nos braves concitoyens de la vieille cité ont préféré se calfeutrer chez eux pour y passer cette grande fête de l’Islam qu’on avait l’habitude de célébrer en grande pompe.
Cette année, les fidèles musulmans ont jugé nécessaire de se prélasser dans de vastes concessions pour communier dans la joie et l’allégresse avec les membres de la famille élargie à quelques parents, amis, voisins et sympathisants.
L’essentiel a été surtout d’éviter de se retrouver dehors. Ces derniers ont déserté les rues, ruelles, artères et carrefours de la ville tricentenaire, pour noyer leur chagrin, le stress causé par cette épidémie impitoyable, l’amertume, la pauvreté, l’anxiété et l’angoisse, dans un commun vouloir de se confiner quelque part pour s’épanouir autour de trois poulets bien grillés au feu de bois, deux bouteilles de jus de fruit, quelques tasses de thé, etc.
Dans les vieilles chaumières du faubourg de Sor, de Lodo et de Sindoné, de Guet-Ndar, Gokhou-Mbathie, Santhiaba, de l’hydrobase et autres localités de la Langue de Barbarie, les causeries ont porté essentiellement sur les conséquences désastreuses de cette épidémie, la panique, la psychose, les préjudices financiers, économiques et sociaux et autres désagréments causés par l’irruption du Covid-19 dans notre pays.
D’autres fidèles musulmans n’ont pas manqué de remettre sur le tapis l’éternel problème relatif à la célébration de ces fêtes religieuses dans la discorde. Une célébration particulière, triste et exceptionnelle, qui n’a pas fait vibrer le pont Faidherbe.
Etant entendu que cette année, c’est juste quelques véhicules usagers et particuliers qui ont traversé cet ouvrage métallique, sans faire du bruit.
Interrogés sur l’Avenue De Gaulle, à la descente du pont de Guet-Ndar « Moustaphe Malick Gaye », aux abords de l’hôtel de ville, des passants nous ont fait comprendre qu’ils n’ont pas le cœur à la fête, qu’ils n’ont pas eu l’argent escompté pour célébrer cette korité.
Dans un trousseau vestimentaire simple et modeste, ils vaquaient tranquillement à leurs occupations. Certains d’entre eux, notamment des pêcheurs qui se dirigeaient vers le monument aux morts, nous ont fait savoir qu’ils avaient l’impression de se retrouver dans une ville frappée par un deuil national.
Ils ont développé cet argumentaire en mettant en exergue le manque criard d’argent, la nouvelle triste et relative à la disparition de certains collègues pêcheurs en haute mer, la raréfaction des ressources halieutiques, des camions frigorifiques, qui se font désirer pour venir enlever cette quantité raisonnable de sardinelle (du poison communément appelé yaaboye en wolof) et autres espèces pélagiques capturées dans la zone maritime mauritanienne.
La mort dans l’âme, ils se sont résignés. Car, après tout, ils espèrent rebondir au lendemain de la disparition tant souhaitée de Covid-19, qui ne donne plus envie de vivre, de se détendre, de se défouler, de se décontracter après des journées de dur labeur.
Les plus croyants tentent de se consoler par l’idée consistant à accepter de tout cœur cette malédiction résultant de la volonté divine.
Ainsi, partout où nous sommes passés, certains notables, patriarches, Guides spirituels, chefs religieux, islamologues, nous ont rappelé que Dieu nous fait subir périodiquement des épreuves mortelles pour nous aider à nous purifier, à réfléchir sur les actes négatifs, dégradants, déshonorants et agressifs vis-à-vis de l’Islam, que nous posons quotidiennement dans la société. Mbagnick Kharachi Diagne