Lorsqu’un
CDD (Contrat à durée déterminée) est conclu entre une entreprise et un salarié,
une fois la période d’essai achevée, il ne peut normalement être rompu.
À ce
principe, existent quelques exceptions :
- Accord des parties,
- Faute grave ou lourde,
- Force majeure,
- Inaptitude physique du salarié constatée par le
médecin du travail,
- Si le salarié en CDD justifie d’une embauche en
CDI.
Dans les
circonstances actuelles se pose particulièrement la question de la force
majeure. L’épidémie que connaît notre pays peut-elle être considérée comme un
cas de force majeure justifiant une rupture anticipée de CDD ?
La force
majeure est définie comme un événement extérieur, imprévisible lors de la
conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution.
En droit du
travail, la force majeure justifie la rupture immédiate du contrat, sans
indemnités sauf celle de congés payés.
Les
tribunaux de manière constante sont très peu enclins à reconnaître la force
majeure comme motif de rupture du contrat de travail.
A titre
d’exemple n’ont pas été considérés comme des cas de force majeure par les
juridictions :
- La destruction totale ou partielle de locaux
d’une entreprise consécutive à un sinistre, dans le cas où la reprise de
l’exploitation est possible et ce même après une longue interruption,
- la fermeture administrative d’un établissement,
- le ralentissement, ou même la cessation
d’activité,
- la perte d’un client important,
- l’arrêt du chantier motivé par une longue période
de sécheresse dans la mesure où les conditions climatiques ne constituent
pas un élément imprévisible caractérisant la force majeure.
Logiquement,
la force majeure ne peut être invoquée en cas de procédure collective appliquée
à l’entreprise, ou de cessation d’activité, de décès de l’employeur, de
difficultés économiques.
Plus
particulièrement, l’épidémie de Dengue en Martinique en septembre 2007 n’a pas
été considérée comme un cas de force majeure par la Cour d’Appel de Nancy, car
selon la Cour cette épidémie n’était pas imprévisible « en raison du
caractère endémo-épidémique de cette maladie dans cette région » et
n’était pas irrésistible compte tenu de « l’existence de moyens de
prévention ».
Le virus
Chikungunya aux Antilles n’a pas été non plus qualifié de cas de force majeure
par la Cour d’Appel de Basse Terre.
Par
conséquent, à notre sens aujourd’hui il paraît difficile de qualifier
l’épidémie qui touche notre pays de force majeure au sens juridique du terme et
donc de rompre un CDD pour ce motif, néanmoins il est possible que dans les
semaines à venir cette épidémie et surtout ses répercussions revêtent la
qualification de force majeure.
En effet, il
pourrait être argumenté que les fermetures à la demande du gouvernement et le
confinement sont un fait du prince, c’est-à-dire un événement ayant un
caractère de force majeure causé par une décision arbitraire d’une autorité
publique.
Ainsi, un
fait du prince peut être constitué par un arrêté de police réglementant la
circulation, si cet arrêté affecte les conditions d’exécution d’un contrat [3]
Ce sera aux
juges de statuer sur cette qualité ou non de force majeure.
Il doit être
rappelé à ce titre qu’en cas de rupture anticipée injustifiée, c’est-à-dire si
un tribunal considère qu’il n’y avait pas force majeure, le salarié aura droit
à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il
aurait perçues jusqu’au terme du contrat, ainsi qu’à l’indemnité de fin de
contrat
Classiquement
les tribunaux qualifient très rarement un événement de force majeure.
Bien
évidemment, aujourd’hui nous ne pouvons anticiper sur ce qu’il en sera dans
l’avenir compte tenu de cette situation inédite.
Il faut cependant rappeler qu’il existe le dispositif de chômage partiel
qui permet justement aux salariés de ne pas être sans revenus lorsque leur
contrat de travail est suspendu et auquel le gouvernement incite très largement
actuellement.
Cette large
incitation de recours au chômage partiel penchera d’ailleurs probablement dans
la balance des tribunaux ayant à traiter ce type de cas, il est donc fort
possible qu’ils estiment qu’il n’y avait pas de nécessite de rompre le CDD pour
force majeure.
En revanche,
l’avenir nous dira si l’article 1218 du Code civil récemment introduit dans
notre code civil et définissant avec précision la force majeure trouvera
application dans les relations commerciales et les conséquences de cette
situation inédite…
Agathe David
Avocat au Barreau de Paris
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