Après son long entretien avec Vladimir Poutine à Moscou lundi soir, Emmanuel Macron fait halte à Kiev, en Ukraine, pour y rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Le chef de l’Etat français a proposé au maître du Kremlin de bâtir des garanties de sécurité concrètes en Europe, mais il va devoir aussi rassurer les Ukrainiens, qui s’inquiètent non seulement de l’accroissement des troupes russes à leur frontières, mais aussi de toute tentative de compromis à leur dépens.
Les Ukrainiens qui ont pris la peine d’écouter la conférence de presse d’Emmanuel Macron et de Vladimir Poutine lundi soir ont sans doute eu un haut-le-coeur lorsqu’ils ont entendu le chef du Kremlin prononcer les mots suivants au sujet de l’Ukraine : « Que ça te plaise ou non, ma belle, faudra supporter… » Extraite d’un film connu, cette phrase est une allusion directe à une scène de viol nécrophile, précise notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan. Le fait que Vladimir Poutine l’utilise pour insister sur la nécessité d’appliquer les accords de Minsk confirme pour les Ukrainiens l’état d’esprit du maître du Kremlin dans son rapport psychologique à l’Ukraine.
En attendant la prise de parole commune d’Emmanuel Macron et de Volodymyr Zelensky, beaucoup d’observateurs ukrainiens craignent que le président français soit venu à Kiev avec des demandes de concessions trop importantes. Ce mardi matin, plusieurs commentateurs ukrainiens comparent Emmanuel Macron à Neville Chamberlain, le Premier ministre britannique qui avait signé les accords de Munich en 1938 avec les Allemands, ce qui n’avait pas empêché la guerre.
L’Ukraine ne veut aucune concession sur la souveraineté
Pourtant, ces derniers jours le président Volodymyr Zelensky avait envoyé plusieurs signaux laissant à entendre qu’il soutenait la démarche de médiation d’Emmanuel Macron. À contre-courant des messages alarmistes de la Maison Blanche, le gouvernement ukrainien insistait sur le fait que l’invasion russe n’était pas imminente comme si Volodymyr Zelensky souhaitait éviter tout phénomène de panique qui pourrait déstabiliser le pays, et notamment son économie.
Il existe cependant des lignes rouges, rappelées lundi, par le ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba : « des solutions diplomatiques, oui, mais aucune concession sur la souveraineté », a-t-il déclaré. Selon lui, seul le peuple ukrainien a le droit de définir l’orientation de sa politique étrangère.
Lors de leur rencontre lundi, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont une nouvelle fois pris acte de leurs désaccords notamment sur la question des alliances et de l’Otan, mais ils ont aussi tous les deux affirmé que la solution passaient par le respect des accords de Minsk et ils ont manifesté chacun à leur manière la volonté de garder le contact et de travailler ensemble pour la stabilité de l’Europe, rappelle notre envoyée spéciale à Moscou, Valérie Gas.
Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont aussi pris l’engagement de se reparler prochainement et le président français a jugé que les prochains jours étaient « déterminants ». Selon lui, il n’y a « aucune solution durable qui ne passe pas par le truchement de la diplomatie ». Il vient donc à Kiev tenter de poursuivre son initiative en faveur du dialogue et de la désescalade.
Le ballet diplomatique pour tenter d’éviter une invasion russe de l’Ukraine continue. Tandis que Emmanuel Macron était à Moscou, le chancelier allemand Olaf Scholz était lui à Washington dans le but de montrer l’unité de l’Occident face à la Russie, mais ce n’est pas toujours facile.
Depuis le début de la crise, les États-Unis promettent des sanctions sans précédent si la Russie envahit l’Ukraine et insistent sur l’unité des Occidentaux. Mais l’Allemagne, elle ne reprend pas ce discours offensif à son compte. À tel point que Joe Biden se voit obligé de redire sa confiance en Olaf Scholz. « Il n’y a pas besoin de regagner la confiance. Il a toute la confiance des États-Unis. L’Allemagne est l’un de nos alliés les plus importants dans le monde. Il n’y a aucun doute sur le partenariat de l’Allemagne avec les États-Unis. Aucun », a insisté le président américain.
Sauf qu’il reste manifestement des points de friction. Par exemple sur le sort du gazoduc Nord Stream 2 qui relie directement la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique. Les États-Unis s’y opposent depuis longtemps et Joe Biden annonce sa coupure en cas d’invasion. « Si la Russie envahit, avec des chars ou des troupes qui passent la frontière de l’Ukraine, alors il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin. »
Olaf Scholz, quant à lui, prend bien soin de ne pas mentionner le gazoduc. « Nous agissons ensemble. Nous sommes absolument unis. Nous ne prendrons pas des mesures différentes. Nous prendrons les mêmes mesures et elles seront très dures pour la Russie et ils devraient le comprendre. » Olaf Scholz rappelle aussi que son pays est l’un des plus gros contributeurs à l’aide économique à l’Ukraine.