L’eau
est pour un arbre, ce que la jeunesse est pour une société. Un arbre qui ne
dispose pas d’eau, ne pourra pas vivre longtemps ou ne vivra jamais bien. Il en
est de même pour la fleur dans la vie d’un arbre. Aucun arbre ne peut produire
sans fleurir au préalable. De la même manière, aucune nation ne pourra réussir sans
une jeunesse qui incarne certaines valeurs fondamentales. Un adage populaire ne
disait-il pas que « L’avenir d’un
pays dépend de sa jeunesse ». Ainsi, la meilleure façon de prédire
l’avenir d’un pays avec certitude est de chercher à connaitre sa jeunesse. Me
Abdoulaye Wade abonde dans le même sens, dans son livre intitulé, UN DESTIN POUR L’AFRIQUE,2005, p 52
« dis-moi quelle jeunesse tu as, je
te dirai quel peuple tu seras ».
A
regarder les informations défilées à la longueur de journée sur les différents
supports médiatiques utilisés aujourd’hui par la jeunesse Malienne, on ne peut
manquer d’être envahi par un sentiment, celui de désespoir ; un
questionnement : le Mali aurait-il un lendemain meilleur ?
Au
Mali, au moment où les officiers supérieurs, les politiciens, les hommes
d’affaires et les criminels étrangers exploitent honteusement toutes les
richesses du pays, les jeunes préfèrent fermer leur clapet et la population
meurt-de-faim. Ils se sont servis, se servent et se serviront de notre impôt,
notre sang et nos larmes, de notre travail pour s’enrichir et se noyer dans le
vin, le champagne, dans le sexe. Pendant ce temps, la majorité de la population
ne vit pas mais survit. Ils ont semé le chaos, la misère, la désolation et le
désespoir par leur incompétence, l’affairisme. Ainsi, le terrorisme, la
rébellion, les conflits intercommunautaires, l’instabilité politique, les
inondations, le chômage, la famine, la pauvreté, la mortalité enfantine et
maternelle avec leur corollaire l’immigration irrégulière, les exodes ruraux et
les déplacements forcés sont devenus endémiques.
Au
commencement de ce mal non congénital, un système, celui basé sur le
clientélisme politique, le népotisme, la corruption, l’absence de vision
politique et de volonté politique de la classe dirigeante.
Devant
ces calamités, la jeunesse supposée être l’avenir et le devenir du Mali était
et est toujours interpellée. Toutefois, deux attitudes alternatives s’imposent
à elle :
La
première est L’ACCEPTATION DE LA
SITUATION. Cette attitude consiste à estimer que les problèmes sont des
catastrophes, des caprices de la nature qui échappent à l’homme, et elle attend
que la nature soit un jour plus clémente.
La
deuxièmeest LE REFUS, LA RESISTANCE DEVANT L’AGRESSEUR. Celle-ci consiste à
considérer que tout problème a une solution, et donc à leur regarder et leur
faire front parce qu’il n’y a pas de problème qui vient d’ex nihilo ou dépourvu
de solution. D’ailleurs, ils n’arrivent que là où ils ont leur solution. Dans
cette logique d’idée, Karl Marx disait que : « l’humanité ne pose jamais de problème qu’elle ne peut résoudre, car à y
regarder de près, le problème lui-même ne surgit que là où les conditions
matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir ».
QU’EN EST-IL DE L’OPTION CHOISIE
PAR LA JEUNESSE MALIENNE DEVANT SON DEVOIR GENERATIONNEL ?
Elle
semble prôner la première alternative car elle n’est pas disponible. Cela fait qu’elle ne s’investit plus ou
rarement dans le combat pour le peuple. Or, une société qui a un avenir certain
est celle-là où la jeunesse est prête à consentir le sacrifice ultime pour la cause
commune.
La
jeunesse est porteuse de toute bataille dont la finalité est le salut du
peuple. Elle est la couche qui est prête à faire le sacrifice que le bonheur
commun exige, quelle que soit la nature du sacrifice. Elle s’acharne et combat
tout acte compromettant le bien-être du peuple, quel que soit son auteur. Elle
a toujours des revendications dépassant les considérations matérielles.
Malheureusement,
le combat pour la dignité a été relayé au second plan par la jeunesse malienne.
Ainsi, soixante ans après l’indépendance, le peuple continue de souffrir, la nation
continue de subir l’humiliation du fait de la mauvaise gouvernance, de
l’insouciance, l’inconscience et la passivité de sa jeunesse. Pendant ce temps,
nombreux sont des jeunes qui aident la classe dirigeante et ses complices
exogènes dans cette mission d’exploitation ou en facilitent par leur
collaboration. La franche de la jeunesse qui est engagée, lit encore le
problème du monde actuel avec la lunette du siècle passé. Ainsi, elle pense que
la France a un agissement égoïste ou que la Russie a un engagement
désintéressé.
Au-delà
de son indisponibilité, la jeunesse malienne n’a pas de revendications
désintéressées. Cette situation éclaire ses changements incessants de robes, de
vestes. De cette manière, il est fréquent de voir des jeunes combattre bec et
ongle tel ou tel homme politiqueavant
de le rejoindre finalement, soit, pour soutenir sa candidature à une élection
ou devenir son conseiller ou encore son ministre lorsqu’il est à la direction
sans que les politiques qu’ils dénonçaient ne connaissent d’évolutions
positives. Quelle incohérence et inconstance !
Cela
ne fait pas honneur à la mémoire de Modibo Keita, celle de Mamadou Konaté et
d’autres héros du combat pour l’Indépendance de notre pays.
La
jeunesse malienne doit s’inspirer de celle de certains pays qui ont servi et
sert de bel exemple de résistance et de refus. L’exemple de la jeunesse Algérienne
est éloquent, elle a déboulonné le régime affairiste de Bouteflika, celle du
Sénégal s’organise et engage une lutte effrénée contre la dilapidation des
ressources publiques, la mauvaise gestion des ressources naturelles, la cherté
de la vie à travers le collectif « NOO
LANK » qui signifie « NOUS
REFUSONS ».
Faire
cela, c’est faire preuve de disponibilité. Celle-ci a plus d’importance que
l’aide au développement pour un pays car si l’aide extérieure n’a pas de valeur
indubitable, la disponibilité de la jeunesse a une valeur certaine. Me
Abdoulaye Wade corrobore cette thèse dans son livre intitulé, UN DESTIN POUR
L’AFRIQUE,2005, p 21 « La disponibilité
de notre jeunesse a plus de valeur que les milliards de l’étranger ».
QU’A-T-ELLE FAIT POUR QU’ON ARRIVE
LA ?
On
est arrivé là parce que ceux qui ont pillé pendant soixante ans pour
s’immatriculer des immeubles, des véhicules, qui mangent à leur faim, ont été
vus et considérés par la jeunesse comme des sauveurs. Cela est une erreur
puisqu’une partie du problème ne peut pas être sa solution.
Si
des hommes politiques maliens ont pu affaiblir la pression fiscale, organiser
des fuites de capitaux, encourager la fraude fiscale nationale et
internationale, livrer le pays aux multinationales, c’est parce que des jeunes
ont abdiqué à leur responsabilité et ont préférés ronger des os, au-lieu de
s’occuper de l’essentiel, c’est-à-dire des droits indispensables de chaque
citoyen.
Si
aujourd’hui, nous avons un général qui a le courage de fêter son anniversaire à
hauteur de millions, dans un pays où l’armée enregistre des défaites cuisantes
et honteuses, des soldats qui tombent tous les jours sur le champ d’honneur, des
engins de combat de l’armée emportés par l’ennemi, c’est parce que la jeunesse
est oisive.
Si
aujourd’hui, le premier ministre menace de licencier les enseignants grévistes
bien que la grève soit un droit fondamental, c’est parce que la jeunesse n’est pas
soucieuse des valeurs républicaines. Sur ce point, elle devrait suivre
l’exemple de la jeunesse sénégalaise qui a exigé la libération de professeur
Babacar DIOP au nom du droit à l’éducation et celui à la sureté, bien qu’il
n’ait pas été arrêté dans le cadre de l’exercice de sa profession. Malheureusement,
certains jeunes n’hésitent pas au nom du syndicalisme, de menacer les parents
d’élèves et les enseignants de poursuite judiciaire. Ceux-là même qui devraient
porter le combat à la place des enseignants.
En
outre, nous sommes arrivés là, parce que les jeunes qui se posent toujours une
seule question à l’occasion de chaque rendez-vous électoral, sont nombreux, celle
de savoir entre ceux-là qui ont conduit le pays à l’humiliation, le peuple dans
la catastrophe qui peut ou doit diriger comme si le pays est condamné à
continuer dans ce cercle vicié.
QUE PEUT-ON ATTENDRE D’UNE JEUNESSE
COOPERANTE ET ARCHAÏQUE ?
Rien
d’une jeunesse qui accompagne ceux-là qui lui volent son rêve et détruisent son
avenir. Or, le soutien de cette jeunesse à un certain nombre de projets, qui ne
contribuent en rien d’un lendemain meilleur pour le Mali, prouve son adhésion
aux politiques destructrices. Ce lendemain même qu’elle doit défendre contre
vent et marrée. C’est le cas de l’accord pour la paix et la réconciliation, le
dialogue national inclusif etc. Si le premier est attentatoire à la
souveraineté nationale, le second ne vise qu’à l’entériner et cautionner les
violations graves des droits de l’homme commises par les bandits armés. De tels
projets trahissent la loi fondamentale de notre pays et les engagements
internationaux ratifiés par notre pays tels que le pacte relatif aux droits
civils et politiques du 16 décembre 1966, le statut de Rome 17
juillet 1998, les conventions de Genève du 12 août 1949 etc. Et
pourtant, les organisations juvéniles ont généreusement soutenu ces deux
initiatives compromettantes de l’unité nationale, de l’Etat de droit et des
droits de l’homme.
Au-delà,
la jeunesse demeure esclave des pratiques révolues. Cela, on peut le constater
par sa conception des règles d’accès au pouvoir. Sa conception, est celle qui
privilégie toujours l’usage de la force pour diriger. C’est pourquoi à l’heure
actuelle, lorsqu’il y a une élection entre les jeunes pour gérer une
organisation de la jeunesse, les verdicts des urnes ne sont jamais partagés par
les différentes parties. D’ailleurs, le plus souvent pour pouvoir être éligible
à la tête des instances juvéniles, il faut plus d’armes par destination et
d’armes par nature. Quel archaïsme ! Certes, il n’y a pas de règles universelles
d’accession au pouvoir. Cependant, certaines sont admises pratiquement par tous
et dans tous les milieux. L’une de ces règles est l’élection démocratique et
transparente. Son rejet aujourd’hui, montre et démontre que les règles d’accès
modernes ne sont pas encore acceptées par la jeunesse malienne.
Pour
faire face au danger qui plane sur l’avenir du Mali, des fausses solutions sont
préconisées. La jeunesse après avoir vu ses rêves et ses espoirs confisqués par
des dirigeants corrompus, elle est laissée en proie à tous les doutes par le
pouvoir politique. Ainsi, les musiciens, les humoristes, l’alcool et la drogue deviennent
des réponses à son malheur.
Les
réponses auxquelles, le Mali a, de plus en plus recours, c’est l’organisation
des semaines régionales et nationales, la création des organisations
officielles juvéniles pour embrigader la jeunesse. Ces solutions ne sont que des taureaux
fertiles aux danses, le défilé de mode et les débauches. La première solution
ne favorise que des perversions de tout acabitet la secondene vise
qu’à étouffer le pluralisme de courant d’expression.
A NOTRE AVIS,
aujourd’hui la jeunesse malienne, plus que jamais, doit briser toutes les
chaînes de servitude pour retrouver sa pleine liberté. Elle doit faire preuve
de liberté et de l’absence de complexes. Seule attitude qui prouvera avec force
ses aspirations pour le changement. La jeunesse doit être solidaire, progressiste
et panafricaniste, résolument engagée dans la construction d’un futur commun
meilleur pour le Mali. Elle doit refuser la désertion, parce que son avenir est
à construire sur cette terre malienne et dans la lutte. Elle ne doit pas céder
à la politique du « diviser pour
mieux régner ». Seul l’engagement citoyen et patriotique de tous les
jeunes nous permettra de bâtir un Mali nouveau à la hauteur de nos rêves et
ambitions. La jeunesse ne doit attendre son salut que
d’elle-même. Elle doit marcher de manière résolue vers le changement et garder
un esprit profondément révolutionnaire pour réaliser la rupture radicale qui
transformera les conditions économiques, sociales, culturelles et
environnementales du Mali. La jeunesse ne doit plus se contenter de la
contestation circonstancielle et opportuniste. Elle doit agir et oser
inventer de voies nouvelles. Gramsci disait qu’un : « sceptique n’a pas le courage nécessaire
pour l’action. » Alors que, c’est l’action seule qui libère les
peuples opprimés. Il est donc temps que les jeunes trouvent leur propre motif
d’indignation pour agir et refuser de rester de simples spectateurs.
L’heure
du sursaut national est plus que jamais arrivée, et, il nous revient d’en tirer
les conséquences. Il ne s’agit pas d’un combat d’une génération contre une
autre. Mais, celui de ceux qui sont exploités contre ceux qui exploitent. Nous
sommes nombreux à penser que Dieu viendra nous sauver. Il ne vient pas et ne
viendra jamais si nous ne prenons pas notre destin en main ! La France a
tiré son salut de la révolution. Les Etats Unis, la grande Bretagne, l’Union Soviétique,
la Chine, l’Iran aussi !
Pourquoi
nous, Maliens, devrions attendre ?
Demba Dramane TRAORE, Juriste-fiscaliste.
Masterant en Droits de l’Homme et de la Paix.
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